Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/710

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commandiez de vieux ou de nouveaux soldats, faites attention s’ils sont tout récemment aguerris par des expéditions militaires, ou accoutumés depuis quelques années à l’inaction trop ordinaire en temps de paix. Le plus ancien soldat peut passer pour nouveau s’il a discontinué pendant longtemps l’usage des combats. Aussi, dès que les légions, les troupes auxiliaires et la cavalerie arrivent de leurs quartiers pour former l’armée, faites-les bien exercer, d’abord en particulier par des tribuns d’une habileté reconnue ; ensuite exercez-les vous-même, comme s’il était question de combattre en bataille rangée : faites souvent l’essai de leurs forces, de leur intelligence, de leur accord dans les mouvements, de leur docilité à obéir aux avertissements des trompettes, aux mouvements des enseignes, aux ordres, aux signes que leur fait le général. Si vos troupes manquent à quelqu’une de ces parties, faites-les exercer jusqu’à ce qu’elles aient atteint le point de perfection ; mais à un tel degré, qu’elles sachent les évolutions, le maniement des armes de jet, l’ordonnance de la bataille. Il y aurait de l’imprudence à les mener à une bataille rangée, sans avoir étudié l’occasion favorable ; tâtez auparavant leur valeur par de petits combats. Un général attentif, prudent, ménager du sang de ses soldats, juge entre eux et les ennemis, comme s’il était question d’une affaire entre particuliers. S’il se trouve le plus fort en beaucoup de choses, qu’il ne diffère pas de profiter de son avantage ; s’il se juge le plus faible, qu’il évite une action générale, se bornant aux ruses et aux surprises, lesquelles ont fait plus d’une fois remporter la victoire à des armées inférieures en nombre, mais commandées par de bons généraux.

chapitre x.
De ce qu’il faut faire lorsque l’on a de nouveaux soldats, ou d’anciens qui ont perdu l’usage des combats.

C’est par un exercice journalier et longtemps soutenu que tous les arts se perfectionnent. Si cette maxime est vraie des plus petites choses, combien ne l’est-elle pas plus des plus importantes ? Or qui ne sait que l’art de la guerre est le plus important, le plus grand de tous ? C’est par lui que la liberté se conserve, que la dignité d’un peuple se perpétue, que les provinces et l’empire se maintiennent. C’est cet art auquel les Lacédémoniens autrefois, et depuis les Romains, sacrifièrent toutes les autres sciences. Aujourd’hui même c’est le seul art auquel les barbares pensent qu’il faut s’attacher, persuadés que la science de la guerre renferme tout, ou qu’elle peut procurer tout le reste ; enfin, c’est l’art de ménager la vie des combattants, et de remporter la victoire. Un général d’armée, revêtu d’un si grand commandement, à la conduite et à la valeur duquel sont confiées les fortunes des particuliers, la défense des places, la vie des soldats et la gloire de l’État, doit être occupé tout entier, non seulement du salut de toute l’armée, mais encore de chaque combattant, parce que les malheurs qui peuvent arriver aux particuliers se comptent parmi les pertes publiques, et lui sont imputés comme des fautes personnelles. S’il a donc une armée composée de troupes nouvelles, ou qui n’aient pas fait la guerre depuis longtemps, qu’il s’instruise à fond des forces, de la manière de servir, et de l’esprit particulier de chaque légion, de chaque corps d’auxiliaires,