Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/712

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étudier tout ce qui se pratiquait autrefois ; mais personne, depuis longtemps, ne s’est donné la peine d’y rechercher ces pratiques négligées, parce qu’au sein d’une paix florissante on ne voyait la guerre que dans un grand éloignement. Des exemples vont nous apprendre qu’il n’est pas impossible de relever l’art militaire, quand l’usage s’en est perdu par le temps. L’art de la guerre est souvent tombé en oubli chez les anciens ; on l’a retrouvé d’abord dans les livres, ensuite il a repris son premier lustre par l’autorité des généraux. Nos armées d’Espagne, lorsque Scipion l’Emilien en prit le commandement, avaient été souvent battues sous d’autres généraux : il les réunit sous les lois de la discipline, à force de leur faire remuer les terres et de les fatiguer par toutes sortes d’ouvrages, jusqu’à leur dire que ceux qui n’avaient pas voulu tremper leurs mains dans le sang de l’ennemi devaient les salir dans la boue des travaux : à la fin, avec cette même armée il prit la ville de Numance, et la réduisit en cendres avec tous ses habitants, jusqu’au dernier. Métellus reçut en Afrique une armée qui venait de passer sous le joug, entre les mains d’Albinus : il la forma si bien sur l’ancienne discipline, qu’elle vainquit ensuite ceux qui lui avaient fait subir cette ignominie. Les Cimbres avaient aussi défait, dans les Gaules, les légions de Silanus, de Manlius et de Caepion ; mais Marius ayant rassemblé les débris de ces troupes, les rendit si habiles à combattre, qu’il extermina, dans une affaire générale, une multitude innombrable de Cimbres, de Teutons et d’Ambrons. Cependant il est plus facile de former des troupes neuves, et de leur donner du courage, que de le rendre à ceux qui l’ont une fois perdu.

chapitre xi.
Des précautions qu’il faut prendre le jour d’une bataille.

Après avoir parlé des parties les moins considérables de la guerre, l’ordre de la science militaire nous amène naturellement à la bataille rangée, à cette journée incertaine qui décide du sort des nations. C’est dans l’événement d’un combat à force ouverte que consiste la plénitude de la victoire. C’est le temps où un général doit d’autant plus redoubler de soins, qu’il y a plus de gloire attachée à la bonne conduite, et plus de péril à la lâcheté. C’est le moment où l’expérience, les talents, l’art de combattre, la prudence, triomphent au grand jour. Les anciens étaient dans l’usage de mener les soldats au combat après un léger repas, afin que ce peu de nourriture les rendit plus hardis et les soutint pendant une longue action. Si vous avez à sortir d’une ville ou d’un camp pour attaquer l’ennemi, que ce ne soit pas en sa présence, parce que, ne pouvant en pareil cas déboucher que sur un front très étroit, vous risqueriez d’être battu par des troupes préparées en bon ordre : qu’en arrivant au contraire sur vous elles trouvent tous les soldats sortis et rangés en bataille. Si elles ne vous donnent pas le temps de vous y mettre, ne sortez point, ou feignez de ne vouloir point sortir : l’ennemi, fier de votre timidité apparente, vous insultera, s’écartera pour le butin, ou songera au retour, et se débandera : saisissez votre instant pour tomber sur lui par petites troupes choisies : elles battront sûrement des gens d’autant plus étonnés d’une attaque vigoureuse, qu’ils ne s’y attendaient pas. Observez de ne pas