Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/714

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devez chercher un terrain, à la vérité, un peu relevé, mais en même temps uni, découvert, et point embarrassé de bois ni de marais.

chapitre xiv.
Quel doit être l’ordre de bataille le plus propre à rendre une armée invincible.

Trois choses méritent principalement votre attention dans une bataille : la poussière, le soleil, le vent. Si vous avez la poussière dans les yeux, elle vous oblige de les fermer ; si vous y avez le soleil, il vous éblouit ; si vous y avez le vent, il détourne et affaiblit vos traits, tandis qu’il aide ceux des ennemis, et en augmente la force. Quelque médiocre que soit un général, il sait éviter ces inconvénients dans son ordonnance pour les premiers instants du combat ; mais le propre du grand général est d’étendre ses précautions à tous les temps de l’action, et de prendre garde que, dans le cours de la journée, le soleil, en changeant de place, ne lui nuise, ou qu’un vent contraire ne vienne à se lever à une certaine heure, pendant l’action. Il faut donc ranger l’armée de sorte qu’elle ait derrière elle les trois choses dont nous venons de parler, et que l’ennemi les ait, s’il se peut, en face. Nous appelons acies une armée en bataille, et frons la partie de cette armée qui fait face à l’ennemi. Un bon ordre de bataille donne de grands avantages dans une affaire ; s’il est mauvais, toute la valeur des meilleurs soldats n’en répare pas le vice. Notre usage est de composer notre premier rang de soldats anciens et exercés, qu’on appelait autrefois principes : nous mettons au second rang nos archers cuirassés, et des soldats choisis, armés de javelots ou de lances, nommés autrefois hastati. L’espace qu’occupe chaque soldat dans le rang, à droite ou à gauche de son camarade, est de trois pieds : par conséquent il faut une longueur de mille pas, ou quatre mille neuf cent quatre-vingt-dix-huit pieds, pour un rang de mille six cent soixante-dix soldats, si on veut que chacun ait un libre usage de ses armes, sans qu’il y ait cependant trop de vide entre eux. L’intervalle d’un rang à un autre est de six pieds, afin que le soldat puisse, en avançant ou en reculant, donner aux traits une impulsion plus forte par la liberté des mouvements. Ces deux premiers rangs sont donc composés de soldats pesamment armés, auxquels l’âge et l’expérience inspirent de la confiance : ils ne doivent ni fuir devant l’ennemi, ni le poursuivre, de crainte de troubler les rangs, mais, comme un mur inébranlable, soutenir son choc, le repousser ou le mettre en fuite, et tout cela de pied ferme. Vient ensuite un troisième rang, formé des soldats les plus légèrement armés, de jeunes archers, de bons frondeurs, qu’on appelait anciennement férentaires. Suit un quatrième corps, composé des gens de bouclier les plus lestes, des plus jeunes archers, d’autres soldats dressés à se servir de l’épieu, ou de martiobarbules dites plombées. On les nommait autrefois les légèrement armés. Tandis que les deux premières lignes demeurent à leur poste, le troisième et le quatrième corps se portent au-delà du front de l’armée, et provoquent l’ennemi avec leurs flèches et leurs armes de jet. S’ils le mettent en fuite, ils le poursuivent, soutenus par la cavalerie ;