Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/74

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

aussi solide qu’un mur. Même immobilité dans les rangs ennemis, qui veulent imiter notre réserve. Voyant toute notre cavalerie placée à l’aile droite, ils lui opposèrent à leur gauche, et par masses serrées, l’élite de leurs cavaliers, dans les rangs desquels, par une tactique très bien entendue, et dont lis devaient l’idée au transfuge déjà mentionné, ils jetèrent çà et là des fantassins agiles, et armés à la légère. Ils avaient remarqué en effet que les rênes et le bouclier ne laissant à leurs gens de cheval qu’une main libre pour lancer le javelot, le plus exercé, dans un combat corps à corps avec un de nos « clibanares », ne faisait que s’escrimer en pure perte contre le guerrier complétement abrité sous son armure de fer ; mais qu’un fantassin pouvait, inaperçu dans la chaleur du conflit, et quand on ne songe qu’à ce qu’on a devant soi, se glisser sous les flancs du cheval, l’éventrer, et démonter ainsi l’ennemi invulnérable, dont alors on avait bon marché. Non contents de cette disposition, ils nous ménageaient à leur droite un autre genre de surprise.

Cette belliqueuse et féroce armée avait pour chefs suprêmes Chnodomaire et Sérapion, les plus puissants entre tous les rois confédérés. A l’aile gauche, où, suivant l’attente des barbares, la mêlée devait être plus furieuse, se montrait le funeste promoteur de cette levée de boucliers, Chnodomaire, le front ceint d’un bandeau couleur de flamme, et montant un cheval couvert d’écume. Amoureux du danger, plein de confiance en sa force prodigieuse, il s’appuyait fièrement sur un javelot de dimensions formidables, et frappait de loin les yeux par l’éclat de ses armes. Dès longtemps il avait établi sa supériorité comme brave soldat et comme chef habile. Sérapion commandait l’aile droite. Il entrait à peine dans la fleur de l’âge, mais la capacité chez lui avait devancé les années. C’était le fils de ce Médérich, frère de Chnodomaire, dont la vie entière n’avait été qu’un tissu de perfidies. Médérich, qui avait fait comme otage un long séjour dans les Gaules, s’y était initié à quelques-uns des mystères religieux des Grecs. C’est à cette circonstance qu’était dû le changement de nom d’Agénarich, son fils, en celui de Sérapion. Venaient en seconde ligne cinq rois inférieurs en puissance, dix fils ou parents de rois, et, derrière ceux-ci, une longue série de noms imposants chez les barbares. La force de cette armée était de trente-cinq mille combattants, tirés de diverses nations. Une partie était soldée, et le reste servait, en vertu de traités d’assistance réciproque.

Le terrible signal des trompettes avait résonné, lorsque Sévère, qui conduisait notre aile gauche, aperçut devant lui, à peu de distance, des tranchées remplies de gens armés qui devaient, se levant tout à coup, porter le trouble dans ses rangs. Sans s’émouvoir, il suspend toutefois sa marche, ne sachant à quel nombre il avait affaire ; craignant d’avancer, et ne voulant pas reculer. César voit de l’hésitation sur ce point ; il y vole avec une réserve de deux cents cavaliers qu’il gardait autour de sa personne, prêt à se porter où sa présence était le plus nécessaire, et toujours plus animé quand le péril était plus grand. D’une course rapide il parcourt le front de l’infanterie, distribuant partout les encouragements. Comme l’étendue des lignes et leur profondeur s’opposait à toute allocution générale, et qu’il ne se souciait point d’éveiller les jalousies du pouvoir en s’arrogeant ce qu’il regardait lui-même comme la prérogative du chef de l’État, il se contenta de voltiger çà et là, se garantissant comme il pou-