Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/775

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cohorte. Ainsi, depuis Dioclétien, où il y eut le plus de grades dans une armée, il n’y avait que deux officiers qu’on pût nommer officiers généraux, ce qu’on entend par les préfets, qui commandaient chacun deux légions, mais subordonnés au général ou maître de la milice ; douze officiers supérieurs, ce qu’on entend par les tribuns, soixante centurions priores, et soixante posteriores.

Ex consulibus. Il ne faut lire, comme dans quelques éditions, ni ex consularibus, ni exconsulibus, deux mots synonymes. C’étaient des consuls, et non des consulaires, que les empereurs envoyaient, comme lieutenants, aux armées.

Plures numeri. Schwebelius veut que ces mots signifient toute l’armée ; et il cite ce passage d’Ulpien (l. II) : Exercitum, non unam cohortem, neque unam alam dicimus, sed numeros multos militum. Mais la citation n’est pas concluante. Ulpien définit une armée d’après sa composition, et Végèce n’a pas à donner ici de définition ; s’il eût voulu dire que les maîtres de la milice commandaient quelquefois des armées, il eût employé le mot exercitus ; or, on peut commander plusieurs corps de troupes, sans pouvoir commander une armée.

Habens comilivæ primi ordinis dignitatem. Les éditions portent communem et comitivam. Mais comitivæ dignitas et comitiva primi ordinis étaient des expressions consacrées dans la langue des nobles de ce temps-là. Voy. Cassiodore (Variar., VI, 12). Il y avait les comtes ou comites primi, secundi et tertii ordinis. Voy. Saumaise (ad. Spart., p. 47, et ad Treb. Poll., p. 307).

Arma omnium mititum… vestes. « Comme l’habillement du soldat romain n’est pas sans intérêt pour les militaires, et que, malgré tout ce qu’on a écrit, cette matière est encore fort embrouillée, je tâcherai de l’éclaircir, sans m’étendre au delà de ce qui est nécessaire, pour donner une idée du vêtement du légionnaire sous César, jusqu’au temps où on a quitté les anciens usages pour d’autres qui ne les valaient pas. — Lorsqu’on leva les légions, les soldats se procuraient eux-mêmes leurs vêtements et leurs armes. Quoiqu’on fit quelques changements à cet usage dans la suite, nous voyons cependant encore, dans Polybe, que les consuls, en levant les légions, ne fournissaient point d’armes aux nouveaux enrolés. Ils leur ordonnaient simplement de paraître avec celles qu’ils étaient en droit de porter, selon les classes auxquelles ils appartenaient. Il fallait même, s’il arrivait qu’on leur fournissait pendant le cours de la guerre de nouveaux habits et de nouvelles armes, qu’ils s’en laissassent déduire les frais de leur paye. Nous lisons souvent, dans Tite-Live, que les habits ayant manqué aux troupes, les généraux s’en plaignirent, et qu’ils sollicitèrent le sénat de leur en envoyer incessamment. Il parait, par beaucoup de passages des historiens, qu’il serait superflu de citer, quelle attention les anciens Romains ont eue pour l’habillement de leurs troupes. Ceux même des généraux qui, sous les empereurs, se piquèrent encore de l’ancienne régularité dans le service, ne dédaignèrent pas de faire eux-mêmes de temps en temps la revue des habits et des armes des soldats. (Voy. Vulc. Gallic., Avid. Cass., 6, et Maxim. duo, 6.) — Les principales pièces de l’habillement des soldats romains, dont les auteurs parlent, se réduisent, outre la chaussure, aux tuniques et au manteau ou sagum, pour le simple soldat, et aux toges, pour les officiers. — Les tuniques militaires se distinguaient de celles que tout le monde portait, en ce qu’étant moins longues elles touchaient à peine les genoux. Elles étaient fermées en bas ; mais l’ouverture en haut était fort large, et descendait jusqu’au nombril. On se servait d’agrafe pour les serrer plus ou moins autour du cou, selon qu’on en avait envie. Elles n’avaient point de manches, si ce n’est pour couvrir un peu le haut des épaules. Tout l’habit était, au reste, fort ample, et flottait sur le corps. C’est pourquoi on avait la coutume de l’attacher et de le retrousser au-dessus des hanches, à l’aide d’une ceinture, soit pour faire diligence, soit pour la bonne grâce. — Dans une des figures de la colonne Trajane, on voit plusieurs soldats occupés à couper du bois, alors que, n’ayant rien à craindre de l’ennemi, ils s’étaient défaits de leurs cuirasses, et n’avaient que leurs tuniques sur le corps. On y observe qu’on en pouvait replier le haut sur une seule épaule, et laisser l’autre à découvert avec une partie de la poitrine jusqu’aux hanches. En redressant également la tunique sur tout le corps, ils la portaient la plupart du temps sous leurs manteaux, comme un habit de dessous. La figure qui se voit dans un de ces monuments sépulcraux que Donius a insérés dans son ouvrage des Inscriptions, nous représente un vétéran en tunique et sans cuirasse, avec son manteau. Ceux de la colonne Trajane ont tous leurs tuniques retroussées, à la manière des soldats et de ceux qui menaient une vie active ; d’où vient la différence entre les altius cincti et les discincti, gens mous et paresseux, qui laissaient flotter leurs habits. — Du temps de Romulus, les Romains enveloppaient leurs corps nus, dans la toge, sans avoir même la tunique (Plin., XXXIV, 56). Dans la suite du temps on n’avait pas seulement la tunique, mais on portait aussi sous elle d’autres vestes, et des espèces de chemises qu’on nommait, à ce que dit Varron, subucula et intusium. Il est donc bien possible que les soldats aient encore porté des vestes sous leurs tuniques pour se munir contre le froid, quoique le sculpteur de la colonne Trajane ne l’ait pas exprimé. — Quoi qu’en dise Saumaise, l’usage des chemises de toile, qui nous parait si commode et si indispensable, n’était sûrement pas connu du temps de César et des premiers empereurs, si ce n’est parmi les femmes. Les anciens, et surtout Pline, qui traite ces matières avec beaucoup d’exactitude, n’auraient pas manqué de nous en instruire, comme ont fait dans la suite les auteurs qui ont composé les vies des empereurs sous lesquels l’usage du linge devint général (Spart., Alex. Sev., 40). — Les tuniques et toutes les pièces de l’habillement romain étaient constamment faites de draps de laine, qu’on fabriquait de différente qualité et avec beaucoup d’art pour la teinture, aussi bien que pour la texture. C’est par-dessus la tunique que le soldat romain endossait la cuirasse. Celles que Polybe décrit étaient de deux espèces différentes : l’une n’était proprement qu’une plaque mince de bronze, large de neuf de nos pouces, un peu convexe, avec laquelle, en l’affermissant par des attaches sur le dos et sur les épaules, ils secourraient la poitrine. Ce sont ces plastrons qu’on voit quelquefois dans les anciennes statues, et que Polyen appelle ήμιθωράκια ou demi-cuirasses. L’autre, que portaient les riches, était une armure complète, qui couvrait tout le corps jusqu’à la ceinture. L’expression grecque d’άλυσιόωτός, qui signifie fait de chaînettes ou de petits anneaux, indique assez la manière dont on les fabriquait. Les cottes de mailles des siècles précédents étaient ces cuirasses dont l’usage était de même aussi connu que fréquent chez les anciens. — Les cuirasses des officiers étaient la plupart d’une pièce, de l’espèce de celles que les Grecs appelèrent στατοί θώρκκες, des cuirasses qui restaient debout lorsqu’on les posait à terre. On en voit en très-grande quantité dans les trophées, et dans les figures et les statues des empereurs et des officiers de marque ; ils les avaient ordinairement richement ornées, et relevées par l’élégance des baudriers et des ceintures.— Comme les armures d’une seule pièce auraient considérablement gêné le corps, étant faites d’une matière aussi roide que le fer et le bronze, les ouvriers de ces temps s’appliquèrent à l’art d’en faire de linge, de cuir, de laine et de mailles, pour pouvoir joindre à leur solidité