Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/812

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servir la curiosité du lecteur en donnant ici, sauf quelques répétitions et longueurs supprimées, un Essai du prince Dimitri de Gabitzin : Sur le quatrième livre de Végèce, pour ce qui regarde les fortifications permanentes élevées au-dessus du terrain ; essai qui a été inséré dans le Journal des Savants, du mois d’août 1790.

« La première fois, dit-il, que j’ai lu le quatrième livre de Végèce, je fus surpris de la manière dont il avait traité les fortifications ; je fus plus surpris encore lorsque, l’ayant relu avec plus d’attention, je m’aperçus que ce petit abrégé, genre d’ouvrage très en vogue dans son temps, renfermait avec netteté ce que d’autres eussent délayé dans des in-folio. J’admirai surtout l’art avec lequel il nous fait sous-entendre plus encore qu’il ne nous dit, et je fus étonné qu’il n’existât pas un seul commentaire sur un ouvrage aussi important. Dès lors je résolus de m’en occuper. Ce qui m’y engagea le plus encore, ce fut celle idée qui se trouvé dans la préface du traducteur[1] : « Tant de matière, dit il, renfermée dans un si petit volume, y est sans doute excessivement abrégée ; mais, à ne considérer l’ouvrage que comme un texte à commenter, il mérite de l’attention. La destinée d’un ouvrage de cette nature est ordinairement d’en produire de meilleurs encore : quelle source abondante de parallèles et d’observations sur la milice des anciens et des modernes, pour un commentateur de Polybe ! » Je me bornerai ici au quatrième livre. Je sais qu’il ne faut pas moins que les connaissances profondes de Folard pour traiter un tel sujet ; mais, même avec le sentiment de sa faiblesse, peut-on se juger assez sévèrement pour réprimer ses désirs ? Heureux si, conduit par ce guide, je ne m’égare pas entièrement dans ce labyrinte, et si je retrouve de temps en temps ce fil si précieux !

« Je tâcherai de prouver, comme M. Folard l’a fait pour l’attaque et la défense des places, que les anciens ne nous ont laissé que la gloire de perfectionner les connaissances qu’ils avaient en fortification, et que ce n’est qu’en réfléchissant bien sur ces connaissances, que nos savants ingénieurs ont trouvé le moyen de perfectionner les nôtres en ce genre. Nous verrons que le corps de la place, les dehors, étaient connus de leur temps ; et ce petit ouvrage servira peut-être en même temps de réfutation au sentiment du commentateur de Polybe, qui dit, dans son avant-propos de sa Défense des places : « Ce qui me surprend le plus, cl qui devrait sans doute produire la même surprise dans les autres qui ont quelque expérience et quelque teinture de la fortification moderne, c’est que notre méthode, dans cette partie de la guerre, est infîniment au-dessus de celle des anciens, non-seulement par les ouvrages du dehors que nous séparons du corps de la place, et qui rendent l’attaque plus difficile et plus dangereuse, mais encore par cet avantage que tous se défendent par eux-mêmes, qu’ils se protègent et se défendent réciproquement. »

« Lorsqu’on diffère d’opinion avec un homme tel que Folard, il faut chercher la voie la moins sujette aux erreurs, et qui puisse vous conduire le plus facilement à votre but. Cette méthode sera celle que Clairault a si bien employée à la découverte des vérités algébriques, et l’on verra que Végèce, dans sa partie, avait précédé Clairault dans cette marche.

Division des fortifications.

« Tout ce qui nous garantit des coups de nos ennemis et de leurs approches est ce qu’on appelle une fortification ; une muraille, un fossé, des arbres remplissant cet objet, prennent cette signification : l’on voit déjà que par cette définition les fortifications se divisent en naturelles et artificielles. Telle est la première idée qui se présente à un homme dont l’intention est d’écrire sur la fortification ; telle est aussi la manière dont Végèce commence.

« Les places, les châteaux, dit-il, sont forts par la nature ou par l’art, et, ce qui vaut mieux encore, par l’un et par l’autre, etc. » Végèce employant le mot d’art n’entend pas seulement une muraille et un fossé, mais encore une certaine combinaison que nous développerons à mesure que nous avancerons. Ce qui vient encore à l’appui de mon raisonnement, c’est que deux lignes plus bas il dit : « Cependant on voit de vieilles places assises dans des plaines découvertes, qu’au défaut de la situation on a rendues imprenables, à force d’art et d’ouvrages. » Pourrait-on par ces paroles supposer que leurs ouvrages ne se bornaient qu’à des murailles et des fossés ? Cela ne ferait pas alors différents ouvrages, mais un seul.

< Les fortifications artificielles étant seules susceptibles de perfectibilité, c’est donc sur celles ci que noms nous étendrons. Les premières que l’on construisit ont été probablement faites à l’instar fies forlifications naturelles ; or les rivières, les muulagncs, furent les premiers obstacles que l’homme opposi à ses eonepiis. Je crois donc (pie le fosse et le parapet ont ête aussi ses premiers moyens factices pour se couvrir ; c’est aussi le sentiment du chevalier Folard : a Je crois, dit-il, cette manière detortifer Jet « villes d’un fossé et d’un rempart de terre, plusêacMsae « que les murs de maçonnerie. » (Traité de la defaueéet places des anciens, p. 10.) Il est donc cl*ir qu’aprte I* définition des fortifications, il faut expliquer la mariasàt construire le corps de la place, ou plutôt la premjèrococeinte de la ville : elle fut toujours polygonale, pstiffdk a toujours servi à environner, d’aboid une cabane, pais deux, trois, et ensuite une ville entfère ; mais chaque front était en ligne droite : la ligne droite étant la combinaison la plus simple, elle ne put pas rester longtemps dans un si grand état de faiblesse ; car l’on s’aperçut bientôt de l’inconvénient de 11epouvoir pas voir l’ennemi au » sitôt qu’il était parvenu au pied dela muraille, otéoa’avoir pas plus d’avantage à se défendre que lui à attaqua’. Ces considérations firent bientôt changer la (orme du corps de la place, et l’on inventa les tours rondes et carrées, qui présentaient une défense de flanc, et qui vous donnent l’avantage de prendre l’ennemi en.deux sens, tandis que lui ne peut vous prendre que de front. Voyons ce que dit Végèce : « Les anciens trouvèrent que l’enceinte d’une « place ne devait point être sur une môme ligne continue, u à cause des béliers qui battraient trop aisément en brêche ; mais par le moyen de tours dans le rempart, asseï « près les unes des autres, leurs murailles présentaient « des parties saillantes et rentrantes : si les ennemis veon lent appliquer des échelles, ou approcher des machine » « contre une muraille de celte construction, on les voit « de front, de revers, et presque par derrière. » Voilà le principe fondamental de la fortification aussi bien énoncé dans Végèce qu’il pourrait l’être dans aucun auteur moderne ; car quel est l’avantage des bastions, si ceo’et d’avoir toutes ces propriétés ? Les tours carrées, comme les bastions, ont des flancs et des.(aces, et ce sont elle » qui nous ont donné l’idée des bastions.

Conslruclion du rempart.

« La construction du rempart doit suivre la figure qoe l’on s’est déterminé à donner à l’enceinte ; il est donc clair que le premier rempart fut construit avec des terres qoe l’on lirait du fossé. L’artillerie des anciens se perfectionnant tous les jours, l’on vit des béliers sortir de f Afrique, présentant leurs cornes menaçantes ; des tours immenses se remuer, et commander les murailles ; des rochers lances avec une force inconcevable, par Je woyep des machines de

  1. L’auteur veut parler de Bourdon de Sigrais. Il ne connaissait sans doute pas la traduction du cheviller de Bongars, qui avait pourtant paru.