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Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/816

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CHAPITRE XIV.

De ariete. « Vitruve raconte ainsi l’invention du bélier (X, 19) : « Lorsque les Carthaginois assiégèrent Gadès, ils jugèrent qu’il leur serait utile de démolir promptement un château qu’ils avaient pris ; mais n’ayant pointeur le lieu même d’outils propres à cela, ils imaginèrent de lever une poutre à force de bras, et d’en pousser un des bouts avec le plus de force qu’ils le pouvaient contre les pierres les plus élevées ; après quoi ils abattirent successivement celles qui étaient au-dessous. » Bientôt après, et au même siège, un nommé Tirius raffina sur cette invention en suspendant cette poutre par une corde à un point fixe, à peu près comme une balance ; alors, par le mouvement qu’on lui imprimait, on fit brèche au mur de la ville avec plus de force et moins d’hommes. Mais ce fut Cétras, natif de Chalcédoine, qui perfectionna ce bélier, en le suspendant dans une espèce de botte de charpente posée sur des roues, et couverte de cuirs à l’épreuve des traits et du feu. — Voy. les effets du bélier dans Josèphe, liv. III de la Guerre des Juifs. Quelques auteurs anciens (Aulu-Gelle, Strabon, Pline) donnent une autre époque que Vitruve à l’invention des béliers et des tortues : ils prétendent que Périclès s’en servit le premier au siège de Samos, et que ces machines y avaient été inventées par l’ingénieur Artérnon. L’usage en était connu depuis longtemps, disent-ils, en Orient. — Ammien (l. XX) rapporte qu’on démontait les béliers pour les transporter commodément, et qu’on en rassemblait les pièces sur le lieu même où l’on voulait s’en servir. »

De… testud ne. « Vitruve (X, 19) décrit assez obscurément les machines dont parle Végèce. La tortue qui les renfermait avait vingt-cinq à quarante-cinq pieds de chaque face sur vingt à vingt-cinq de haut ; on couvrait d’abord les côtés de claies d’osier vert entrelacé et serré ; on recouvrait ces claies de peaux fraichement écorchées ; on les doublait d’autres peaux semblables, mettant entre deux de l’herbe marine ou de la paille trempée dans le vinaigre : cette couverture était ainsi également à l’épreuve des traits et du feu. — Il y avait dix ou douze pieds depuis la plate-forme de la tortue jusqu’au toit, sur lequel on élevait encore une petite tour à quatre étages, dont le plus élevé avait environ dix-huit pieds de large. On y plaçait les scorpions et les catapultes, apparemment les plus portatives. Dans les étages supérieurs on amassait beaucoup d’eau pour éteindre le feu que les ennemis auraient pu jeter sur la tortue. On plaçait dans cette tortue, au rez-de-chaussée, la machine à bélier, dans laquelle on mettait un rouleau ou cylindre, sur lequel le bélier allait et revenait alternativement, poussé et retiré par des câbles. Ce bélier, qui avait un grand choc, était couvert, aussi bien que la tour et la tortue, de peaux de bêtes fraîchement écorchées. »

CHAPITRE XV.

De… pluteis et aggere, « La guérite était, chez les anciens comme chez nous, d’un usage très-fréquent. Vitruve (X, 21) rapporte qu’au-dessus de la tortue d’où on faisait agir le bélier, il y avait une guérite où deux soldats faisaient sentinelle, afin de découvrir si l’ennemi ne se mettait point en état d’insulter la tortue, auquel cas ils avertissaient le corps de garde. — A l’égard du cavalier, Appien croit que Scipion imagina le premier d’entourer une ville assiégée de plusieurs cavaliers, dont la continuité formait une espèce de chaîne de murs. »

Vineas… quas nunc… causias vocant. Peu de mots ont donné lieu à plus de variantes, de commentaires et de corrections que ce causias. On lit en effet, dans plusieurs manuscrits et éditions, cautias, cautibus, cautibulos, cantibus, caucias, cattas, cattas, etc. Cette dernière leçon particulièrement a été adoptée par quelques savants. On lit dans Vincent de Beauvais, qui a copié ici Végèce : Vineas dixerunt veleres, quas nunc cantibulos, alias chartos (pro quo Iegendum cattos) vocant. Voy. Juste-Lipse (Poliorc. I, 7). D’autres préfèrent cautibulas, et Scriverius proposait à la fois de lire cavitas, parce que la machine dont il s’agit était creuse, ou cautivas, pires qu’elle protégeait les soldats. Mais nous croyons, avec Oudendorp, que causias est la véritable leçon, à cause du rapport qu’il pouvait y avoir, dans la forme même ou seulement dans le but, entre cette machine, qui mettait les soldats à couvert des traits de l’ennemi, et la coiffure macédonienne appelée causia, dont les anciens se servaient pour se garantir du soleil et de la pluie.

Alta pedibus octo, lata pedes septem. Quelques manuscrits renversent l’ordre de ces mou, et portent, lata pedibus octo, alla pedibus septem. Mais un passage des Commentaires de César (De bell. civ. II, 10) ne permet pas le doute sur la véritable leçon, qui est la nôtre.

Crudis ac récentibus coriis. « Vitruve (X, 20) « fit qu’on frottait ces peaux avec des bouchons de paille trempés dans de l’eau, ou, pour le mieux, dans le vinaigre, afin de laisser moins de prise au feu que les ennemis tâchaient de jeter dessus. — On imagina encore de frotter toute la charpente d’alun, parce que le feu coule dessus sans aucune action. Ce fut par cette précaution qu’Archélaus (Aulu-Gelle, XV, 1) empêcha Sylla de brûler une de ses tours de bois. »

Vel centonibus operitur. Voy. César (De bell. civ. II, 10) et Caton (De Re rust. c. 10 et 11).

Sub quibus subsidentes, etc. Quelques éditions portent obsidentes, qui pourrait bien être la meilleure leçon.

CHAPITRE XVI.

De musculis. « La machine nommée musculus, dont Stewechius donne la figure d’après Isidore (Étym, l. II), n’avait que le nom de commun avec celle-ci, puisque c’était une espèce de tarière qui perçait par le moyen « Tom spirale dont elle recevait toute sa force. — On trouve dans César (De bell. civ. II) la galerie assez obscurément décrite, et beaucoup plus clairement dans Polybe (IX, 9). »

Sudatum auferunt ; civitatis fossatum etiam. On lit daus quelques éditions, si lutum obfuerit, au lieu de sudatum auferunt ; et Oudendorp, qui maintient, avec raison, notre leçon, la lisait ainsi : sudatum auferunt civilati ; fossatum, etc. Dans certains manuscrits fossatum est remplacé par sudatum ; mais il ne faut rien changer au texte. Schwebelius a très-bien fait la distinction de ces deux termes : Fossata, gr. φοσσάτα, fossæ fuerunt circa urbis mœnia ductæ. Sudara dicebantur munimenta valli, e sudibus fieri solita, aggeres. Voy. aussi l’empereur Maurice (l. XI, c. 24).

Deputatæ turribus magnis. Scriverius lisait, d’après quelques manuscrits, vel deputatæ, etc., et Oudendorp, qui croyait ce passage altéré, aurait voulu une meilleure leçon que velut.

CHAPITRE XVII.

De turribus ambulatoriis. « Diadès s’attribuait l’invention des tours portatives. Stewechius dit, d’après lui, que les moindres étaient de soixante coudées de haut sur dix-sept de large, à dix étages ; et les plus grandes, de cent vingt coudées de haut sur vingt-trois de large, à vingt étages : il en donne la figure, aussi bien que de celle que décrit Végèce. » — On sait quel usage les Grecs et les Romains firent des tours portatives ; elles furent pendant longtemps effrayantes pour leurs ennemis. Les Perses (Amm. Marcell. XXIV) eurent recours aux supplications sitôt qu’ils virent avancer la fameuse hélépole. — Les Gaulois, apercevant qu’on construisait une tour dans le camp de César, s’en moquèrent d’abord ; mais quand ils virent que cette