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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

shire. Il me fit remarquer un champ, où il avait un grand nombre d’ouvriers occupés à labourer et à semer des turneps, et me montra en même temps un homme dont l’extérieur annonçait beaucoup moins d’aisance. « Cet homme, » me dit-il, « a pris ce seul champ à ferme et demeure dans cette misérable cabane que vous voyez à l’extrémité du champ. Les simples ouvriers sont mieux nourris et mieux habillés que lui, parce qu’il gagne moins à sa ferme qu’eux à leurs journées. Comme il n’a pas de quoi entretenir un attelage pour labourer son champ, et qu’il ne sait où trouver des moutons pour manger les turneps, qui forment la seconde récolte dans l’ordre de ses assolements, il se disposait à laisser sa terre en jachère, lorsque je lui proposai de me charger de labourer et semer, à condition que mes moutons mangeraient les turneps sur place, ce qui lui servirait d’engrais et ferait que son champ lui serait rendu en meilleur état que s’il le laissait en jachère. Il consentit à cet arrangement, et nous y gagnons tous deux. »

CAROLINE.

Et le pays profitera du gain de l’un et de l’autre ; car les moutons seront engraissés par des turneps, qui, sans ce traité, n’auraient pas été produits ; et la prochaine récolte du fermier sera plus abondante, à cause de l’engrais que la terre aura reçu.

Mais quelles sont les fermes que vous supposeriez être les plus avantageuses à un pays ?

MADAME B.

Cela doit singulièrement varier, à raison de la situation locale, de la nature du climat et du sol, et du capital du fermier. Dans la Belgique, qui passe pour un des pays les mieux cultivés de l’Europe, les fermes, par une moyenne, sont d’environ 40 acres ; en Toscane, autre pays remarquable par son excellente culture, elles sont rarement de plus de 10 ou 15 acres, et toutes dans le système des métayers ; mais dans ce climat favorisé, les champs donnent de si abondantes récoltes, que le produit diffère de celui d’une ferme belge bien moins qu’on ne pourrait croire à en juger par leur étendue.

En Angleterre il y a, à ce qu’il me semble, une grande prédilection pour les très-grandes fermes. S’il fallait à cet égard avoir une opinion, je dirais qu’une ferme ne doit jamais être si vaste que le