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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

CAROLINE.

Il semble bien dur, d’envoyer au dehors des marchandises, dont au dedans tant de pauvres gens ont besoin.

MADAME B.

Avant que cet envoi se fasse, les pauvres sont approvisionnés de tout ce qu’ils peuvent acheter ; sans moyen d’acheter, vous savez qu’il n’y a pas de demande efficace. On ne peut s’attendre que les fermiers et fabricants travaillent par pure charité ; si même ils y étaient disposés, ils ne pourraient longtemps continuer d’exercer leur bienfaisance. Ce serait donc bien injustement que l’on considérerait ce surplus de produit comme enlevé aux pauvres ; car si les pays étrangers ne l’avaient pas demandé, il n’aurait pas été produit.

CAROLINE.

Cela est très-vrai. En tout emploi de capital, les hommes travaillent en vue du profit ; ils ne font donc de l’ouvrage que pour ceux qui peuvent leur en payer la valeur. Or il est aisé de concevoir que ceux qui n’ont plus besoin de marchandises anglaises peuvent désirer certaines marchandises étrangères. Le marchand anglais se dira donc à lui-même : « Puisqu’il n’y a plus ici de demande pour les objets de mon négoce, j’exporterai le reste ; on l’achètera au dehors, et je recevrai des marchandises étrangères en échange. — Quoique mes concitoyens ne demandent plus de toiles de coton, je sais assez qu’ils achèteront des vins, du café, du sucre, etc. »

MADAME B.

Fort bien. Examinons maintenant ce qui arriverait, si l’emploi du capital mercantile était borné au commerce intérieur. Si les habitants des îles des Indes Occidentales, par exemple de la Jamaïque, défendaient l’exportation du café et du sucre, et si les planteurs étaient réduits à ne commercer que dans l’intérieur de leur île, il arriverait que la demande du café et du sucre serait très-peu considérable, et qu’il n’y aurait qu’une très-petite partie du capital de la colonie qui trouvât de l’emploi. On éprouverait la même chose en Russie, si l’on n’y permettait pas aux marchands étrangers d’acheter le chanvre et le lin, que ce pays produit avec tant d’abon-