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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

et retardent les progrès. Sous un mauvais gouvernement, il y a des classes favorisées, d’autres découragées et opprimées : la prospérité se trouve ainsi inégalement répartie, et les richesses distribuées d’une manière peu équitable. Vous paraissez bien sérieuse, Caroline ; êtes-vous déjà lasse de vous occuper de ce sujet ?

CAROLINE.

Oh non ; je crois jusqu’ici vous avoir suivie ; mais avant d’aller plus loin, permettez-moi de vous faire part d’une objection qui me préoccupe péniblement. Si elle se trouve fondée, je ne puis goûter les maximes de l’économie politique, et cette science cesse d’avoir pour moi de l’intérêt. Je vous entends parler sans cesse de richesse ; des causes productives de la richesse ; et des moyens de l’accroître. Être riche, très-riche, plus riche que tout autre peuple, semble être le grand but de l’économie politique ; tandis que la morale et la religion nous enseignent que c’est notre devoir de modérer en nous l’amour du gain, cette soif de richesse qui est la source de tous les crimes. Il est en outre fort évident que les hommes les plus riches ne sont pas toujours les plus heureux. Mais si la richesse ne fait pas le bonheur des individus, comment peut-elle faire celui des nations ? Un peuple pauvre et vertueux est sûrement plus heureux que celui qui est riche et vicieux. Que d’exemples remarquables de cette vérité ne trouvons-nous pas dans l’histoire ! Nous apprenons de bonne heure à admirer les républiques grecques, qui méprisaient la pompe et le luxe des richesses. Et les Romains ! pendant les premiers temps de leur existence, ils furent pauvres et vertueux ; mais ensuite les richesses qu’ils acquirent dépravèrent leur caractère, et en firent des esclaves et des tyrans. Or l’économie politique me semble inspirer l’amour des richesses, et les présenter comme le grand but auquel le gouvernement doit atteindre.

MADAME B.

Voilà certes une attaque fort alarmante pour l’économie politique ! Mais lorsque vous l’entendrez mieux, vous vous apercevrez que votre censure n’est pas fondée. Quant à présent, contentez-vous de ma parole, car il m’est impossible de vous faire voir les avantages qui résultent des vrais principes de l’économie politique, avant que ces principes vous soient connus ; mais je peux vous assurer qu’ils tendent tous à avancer le bonheur des nations, et qu’ils