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SUR L’ÉCONOMIE POLITIQUE

dicité de leurs salaires, ni au manque d’ouvrage, et ce n’est pas seulement de la recevoir qui cause tant de mal : la nécessité de la payer a réduit souvent à la pauvreté ceux qui se croyaient sûrs de vivre toujours dans une honnête aisance.

— Oh ! cela est bien vrai ! s’écria John. Ce matin, à l’assemblée, j’ai rencontré la veuve Dixon ; elle s’était enveloppée dans son manteau et avait avancé son chapeau sur ses yeux ; elle a cherché à m’éviter, et lorsque je suis venu au devant d’elle, elle a rougi, elle qui est si pâle depuis la mort de son mari. Quand je lui ai demandé ce qui avait pu la réduire à cet état de gêne, et que je lui ai donné à entendre que je croyais que son mari lui avait laissé quelque argent :

« Non, Hopkins, m’a-t-elle répondu ; tant qu’il a vécu, il a fait ce qu’il pouvait pour me maintenir dans une situation agréable ; mais ses moyens étaient petits, les profits de la boutique suffisaient tout juste à notre entretien ; peut-être nous aurions mis chaque année quelque chose de côté sans la taxe des pauvres, qui emportait toutes nos économies. Cependant je ne dois pas me plaindre de la taxe, puisque c’est elle qui me soulage maintenant : il est bien dur pourtant d’avoir à supporter à la fois la honte et le chagrin ! » En disant cela elle pleurait. Pauvre femme ! son cœur était brisé. Je lui ai dit qu’il n’y avait pas de honte pour elle à être assistée, puisqu’elle avait si longtemps payé la taxe ; elle y a plus de droit qu’aucun de nous.

— Pourquoi l’as-tu abordée, John, lorsque tu as vu qu’elle préférait ne pas te rencontrer ? Il fallait la laisser passer, puisque tu ne pouvais l’aider en rien.

— Mais, femme ; une bonne parole dite d’un air d’amitié, fait toujours du bien au cœur, lors même qu’on ne peut rien y ajouter ; et d’ailleurs la veuve Dixon s’afflige plus de sa honte que de sa misère : c’est pour cela qu’elle était contrariée de me rencontrer.

— Eh bien ! dit le fermier, si la taxe des pauvres continue à augmenter comme elle l’a fait ces dernières années, nous aurons tous le sort de la veuve Dixon, et alors qui est-ce qui paiera la taxe ?

— Les choses n’en sont pas là, maître Stubbs.

— Pas encore ; mais le temps peut venir où le collecteur ne recueillera plus la taxe telle qu’elle a été fixée ; je sais que le temps