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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

MADAME B.

Cela est sans doute impossible. Les dépenses de sa famille consomment en général la plus grande partie du revenu d’un homme ; mais, si cet homme est prudent, il mettra de côté tout ce qu’il lui sera possible d’épargner ; ces économies le mettront à même d’augmenter et d’améliorer ses affaires, de quelque genre qu’elles soient.

CAROLINE.

Ainsi un fermier serait en état d’augmenter et d’améliorer la culture de sa ferme, en augmentant le nombre de ses ouvriers ; un marchand, ses affaires ; en sorte que plus un homme devient riche, plus il lui est facile d’accroître sa richesse ?

MADAME B.

Oui, les secondes mille livres sterling sont souvent acquises avec moins de difficulté que les cent premières.

CAROLINE.

Cela est dur pour ceux qui n’ont rien. Le riche propriétaire de terres achète toutes les petites fermes ; le riche négociant accapare toutes les grandes spéculations mercantiles ; le gros poisson en un mot dévore tous les petits.

MADAME B.

Il n’y a pas de vérité dans cette comparaison. Celui qui accumule une grande fortune par son travail ne fait tort à personne ; il fait au contraire le bien de la communauté. C’est ce que vous comprendrez mieux tout à l’heure. En attendant je dois vous faire observer que le bonheur, en tant qu’il dépend de la richesse, consiste moins dans la possession que dans le plaisir d’acquérir. Chaque degré d’une prospérité croissante est une jouissance. Votre jardinier, qui épargne ses gages, avec la perspective de s’établir au bout de deux ou trois ans, a probablement plus de satisfaction à s’occuper de sa richesse future qu’il n’en aura à la posséder. Aussi longtemps qu’il continue de faire des additions annuelles à son capital, la même source de jouissances reste ouverte pour lui, mais elle n’excitera pas chez lui un intérêt aussi vif que ses premières épargnes. Les négociants vous diront que leurs premiers gains leur ont fait plus