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NOS TRAVERS

Ce petit arrangement suppose de la sagesse d’une part et de la soumission de l’autre. La sagesse, la clairvoyance ne manquent pas où elles sont nécessaires, mais ces précieuses qualités voient leurs bons effets paralysés par la complète indépendance des jeunes filles en ce qui touche leurs histoires de cœur. Ce domaine intime est pour les pères et les mères comme un sanctuaire inviolable qu’ils croiraient profaner en essayant seulement de voir ce qui s’y passe.

Et leur sollicitude, qui ne peut pourtant pas se désintéresser du sort de l’enfant chérie, en est réduite aux conjectures basées sur les faits extérieurs.

Par un phénomène assez compréhensible, il suffit qu’une inclination se déclare dans le cœur d’une ingénue pour que tout de suite une réserve se glisse entre elle et sa mère. Des confidences, ses amies, ses sœurs peut-être en recevront, mais les parents, rarement.

Cela s’explique par le fait que les premiers incidents de ces romans peu sérieux au début et dont le dénouement n’est pas toujours le mariage, sont des événements puérils pour les gens d’âge. On se confie à ses camarades, à ceux de sa génération qui seuls peuvent comprendre tout ce qu’il y a d’éloquence dans un soupir poussée d’une certaine façon, de signification dans un regard rapide et de profondeur dans certaines paroles en apparence insignifiantes.

Puis on prend le pli de ces cachotteries innocentes, et l’on s’y tient par habitude quand les choses prennent une tournure plus grave.

J’ai connu un père qui — tenu dans l’ignorance d’un événement de nature à l’intéresser au plus haut point — demandait à sa fille affairée à l’achat de son trousseau :

— Est-ce que je serai invité à la noce ?

Les parents abdiquent trop facilement leur autorité devant le premier caprice de cœur de leur fillette.

Ils ont d’abord une révolte du bon sens et des velléi-