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NOS TRAVERS

les assiduités accaparantes d’un courtisan qui diffère tout ce temps de faire connaître ses intentions, se réservant une sortie commode pour le cas où un changement de sentiments ou quelqu’obstacle matériel l’empêcheraient de donner suite à ses projets matrimoniaux.

Tant que cela dure, le soupirant s’arroge dans la maison qu’il fréquente des droits de fiancé que — de bonne ou de mauvaise grâce — les parents reconnaissent eux-mêmes tacitement.

Sans trop murmurer ou du moins sans tenter énergiquement de faire cesser une situation absurde, ils souffrent qu’il monopolise effrontément leur fille, qu’on la séquestre en quelque sorte un certain temps pour la leur rendre en définitive vieillie, discréditée par ces sottes aventures.

De fait la période des fiançailles, qui représente un moment de bonheur presque parfait dans l’existence, justement à cause de cela, vraisemblablement, n’est pas une chose normale.

L’hallucination poétique qui l’accompagne, la vie de rêve et d’extase qu’elle ouvre à la jeunesse riche d’illusion, ivre d’espérance, ne sont admissibles qu’à la condition d’être la préface courte et lumineuse de cet acte sérieux et final du mariage.

On gâterait sa vie en en employant les plus belles années et les plus décisives à faire des préfaces.

Les journaux nous ont parlé d’une jeune fille qui portait dans le monde une rivière de diamants dont chaque pierre représentait un engagement rompu.

Cette terrible fille se mirait orgueilleusement de son glorieux trophée : je plains l’homme audacieux qui la prit derechef avec son collier d’expériences, avec sa rivière de désenchantements.

Des révolutionnaires de 1792 qui prétendirent résoudre tant de problèmes sociaux, réglèrent celui-ci par la loi suivante :

« Le premier floréal le peuple de chaque commune