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NOS TRAVERS

ment en main la vengeance de leur honneur quelque peu atteint ou simplement mis en question. Il arrive encore qu’avant d’en arriver à cette triste extrémité un délicat instinct les porte à restreindre d’elles-mêmes la latitude qu’on leur accorde. Cette prudence, qui est une forme élevée, l’exquise expression de la pudeur féminine, fait qu’une jeune fille refusera d’accepter un plaisir permis ou toléré par l’autorité, par la raison qu’il « n’est pas convenable. »

En ce qui concerne cette question de la dépense, on rencontre encore des enfants capables de donner le bon exemple à des parents trop généreux. Mais il ne faut pas s’étonner que le plus souvent l’inconséquence des aînés porte ses fruits et que les disciples égalent et surpassent même l’extravagance de leurs maîtres.

Car la frugalité, la modération, le sacrifice ne sont pas les vertus de l’adolescence, et les défauts opposés doivent à cet âge être plutôt combattus qu’encouragés.

En général c’est le contraire qui arrive.

Voyez ce qui se passe dès le moment où l’on met ses filles au couvent. Jusque dans ces pieuses maisons où la simplicité, l’austérité et l’égalité sont de tradition, l’esprit du siècle a fait son œuvre.

Cette invasion du luxe dans quelques pensionnats religieux, hâtons-nous de le dire, n’y a pas été appelée par leurs directrices dont la vie reste toujours humble et mortifiée ; elle est une concession aux exigences et à la mollesse des parents. Il est assez naturel à la vanité enfantine de vouloir émerveiller ses camarades ; une des manières les plus communes d’y arriver est un étalage de luxe — dans les limites de plus en plus larges tolérées par la règle — et l’obtention de certains privilèges accessibles aux seuls riches. On ne se doute pas de la magie de ce mot riches dans le monde naïf et futile des pensionnaires.

L’opulence, ou une réputation d’opulence, constituent au milieu d’elles une sorte d’aristocratie et l’é-