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ENCORE LE LUXE

lève « la plus riche » se trouve investie d’une royauté tacite mais si réelle, si universellement reconnue que tous les honneurs, tous les égards vont directement, naturellement à elle sans que personne songe ni à réclamer ni à s’en étonner.

De ce sentiment, en somme peu louable, de ce culte de l’argent chez des enfants ignorantes des choses de la vie, on ne ferait que sourire s’il n’était entretenu et appuyé souvent par de plus sages.

Dérogeant à la belle et saine coutume qui maintenait dans les communautés une égalité absolue entre les élèves, on s’est petit à petit laissé conduire à créer certaines exceptions pour le logement, pour la nourriture. On a été amené à faire fléchir en faveur de quelques-unes, l’inflexible règle elle-même, cette règle impitoyable qui autrefois nous alignait toutes, grandes et petites, riches ou pauvres, au dortoir dans des lits voisins et uniformes, au réfectoire sur des bancs sans dossiers, autour du même hachis, pas toujours appétissant.

Je crois qu’à ce système rigide les enfants gâtées couraient la chance de laisser au couvent leurs goûts excentriques et leurs caprices.

Une chose certaine, c’est que le contraste nous faisait doublement apprécier le confort et la liberté du toit paternel.

Tout est bien différent au jour d’aujourd’hui. Les grands pensionnats ressemblent maintenant, sous certains rapports, à de grands hôtels où l’on est logé plus ou moins somptueusement, selon le prix que l’on consent à payer. Les pensionnaires ont la faculté d’ordonner, en dehors des repas, des consommations qui leur sont comptées en sus du prix régulier de la pension. Au repas pris en commun elles peuvent faire ajouter à la carte du jour quelques mets supplémentaires, moyennant finance.

Il est même loisible à celles qui ont des chambres séparées du dortoir commun, de faire chez elles la dînette en compagnie de leur mère ou d’amies de l’extérieur.