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TOUJOURS LE LUXE

jeunes filles aujourd’hui pourraient s’en vanter ? On leur passerait peut-être d’ignorer un art bien utile quoique prosaïque si elles se distinguaient dans les autres. Mais quel talent cultive-t-on, quel chef-d’œuvre peut-on montrer ?

Aux jeunes filles ayant de la fortune, à celles qui font la mode et donnent le ton à la société, je conseillerais de montrer l’exemple de la simplicité, sinon en considération d’un père qui use sa vie à leur service, à cause du bien qui en résulterait chez les moins favorisées tenant à honneur de les imiter, mais surtout, dans leur propre intérêt.

Je suppose qu’elles n’aient rien à craindre pour l’avenir, il y a encore un emploi plus intelligent à faire de leur superflu que de le convertir en kilomètre de soie, en musée de bijouterie ou en un magasin de chapeaux.

Étant donné qu’il est un luxe permis (proposition fort combattue par ces temps de socialisme), je suggère aux dépensières un peu de discernement, dans celui qu’on leur accorde.

Faut-il vous apprendre, belles extravagantes, qu’il existe une telle chose que des livrets de caisse d’épargne ?

Ayez-en un en votre nom, et confiez-lui ce que vous pouvez distraire de votre budget en vue d’un voyage intéressant, de l’acquisition d’une œuvre d’art ou de quelque livre précieux.

Vous vous marierez un jour. L’élu de votre cœur ne sera peut-être pas M. Vanderbilt. Il est possible qu’il n’ait à vous offrir avec son cœur qu’une chaumière. C’est alors que vos économies viendront à point s’ajouter, pour l’embellir, aux libéralités du papa.

La crainte de voir mes suggestions prendre la tournure d’un sermon a failli m’empêcher d’ajouter qu’il y a une jouissance délicate à user de sa bourse pour faire des heureux et à retrancher quelque chose de son superflu pour donner à ceux qui souffrent le nécessaire.

Ce plaisir se concilie fort heureusement avec la prescription évangélique qui dit à tous : Faites l’aumône.