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NOS TRAVERS

et des inutiles ? Ne sentez-vous pas qu’il y a mieux à faire que de gaspiller les heures et les jours en de vains passe-temps ?

C’est un grand luxe, vous dis-je, que de consacrer chaque jour une partie de votre matinée à crêper, à friser vos cheveux et à élaborer le savant édifice de votre coiffure. Luxe aussi ces causeries oiseuses et ces promenades quotidiennes, sans autre but que de battre l’asphalte et se montrer à ses concitoyens. Et au surplus quel mauvais noviciat, quelle triste-préparation au rôle d’épouses sérieuses et de bonnes petites mères auxquels vous êtes appelées, qu’une vie aussi nulle !

Un grand nombre de celles qui gaspillent leurs journées de cette façon sont les aînées de grandes familles, qui voient leur mère surchargée de mille tracas et leur père user ses forces pour apporter l’aisance à tout son monde.

D’occuper leurs jolis doigts à confectionner, à réparer les vêtements des petites sœurs ou à faire leur propre raccommodage, de partager la responsabilité de la maîtresse de la maison, d’alléger le fardeau des parents, l’idée ne leur en vient pas.

Depuis nos bonnes grand’mères, assujettissant la mode au bon sens et portant leur belle robe aussi longtemps qu’elle voulait bien durer, les choses ont bien changé. C’est maintenant deux ou trois toilettes par saison qu’il faut à une femme élégante, et il n’est pas de condition de fortune qui dispense de ce renouvellement incessant.

C’est ainsi que s’écoule l’argent si péniblement gagné et que le père de famille, qui lutte de jour en jour plus fiévreusement, se trouve dans l’impossibilité d’amasser quelque chose pour ses vieux jours ou d’assurer l’existence des siens pour le cas où il viendrait à mourir.

En dépit de toutes ces complications dans la manière de vivre autrefois si simple, avec l’aggravation des charges pour celui qui soutient une famille, la femme est devenue moins industrieuse. Une dame, il y a cinquante ans, ne rougissait pas de faire ses robes. Combien de