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DE LA HAUTEUR

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Ce travers existe dans notre pays d’égalité. On comprend, on excuse à la rigueur l’excessive fierté d’un homme parti de rien — comme on en voit si souvent parmi nous — et qui par lui-même a su se faire une position enviable.

Ce qui est moins admissible, c’est l’exagération de ce sentiment chez des membres de sa famille ayant moins de raison de s’enorgueillir d’un mérite qui n’est pas le leur et dont ils ne reçoivent le prestige pour ainsi dire que par ricochet.

On voit pourtant cela : l’épouse, les fils et les filles d’un homme en place plus entichés de la grandeur de leur nom que celui même qui l’a illustré.

Lui, le ministre, le magistrat, le célèbre tribun, le capitaliste, quelque vaniteux qu’il puisse être, sait ce qu’il doit aux autres et quelle part de ses succès est due à leur concours, à leur appui ou à leur dévouement. Dans la bataille de la vie dont il est un vainqueur, il a gardé, acquis peut-être, le respect de ses semblables. La sottise seule se croit supérieure au poste qu’elle occupe ; les plus intelligents s’avouent toujours — au moins à eux-mêmes — inférieurs à leur tâche. Mais une famille élevée au-dessus des autres par le talent ou le travail de son chef ne se fait pas toujours une juste idée du réel degré de cette élévation. Elle s’en fait une bien fausse lorsqu’elle se croit obligée de mépriser sa condition primitive et ceux qui y restent après elle.

Il se joue de sottes comédies dans notre société. Celui qui y a vécu seulement cinquante ans peut en dire