Page:Marchand - Nos travers, 1901.djvu/146

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

LA VIE DE MÉNAGE

♣ ♣ ♣ ♣



On se marie pour être heureux. Cette illusion de la jeunesse qui, au moment où elle prononce le Oui sacramentel, croit mettre le pied sur le seuil du paradis… terrestre, cette illusion est éternelle. Il est entendu, entre amoureux, que sa félicité ne ressemblera à aucune autre, et qu’elle ne sera ni entamée ni diminuée par les vicissitudes de la vie matérielle.

Au dire de quelques sceptiques, cette douce espérance est entièrement vaine ; dans le sourire de pitié avec lequel ceux-là regardent un couple actuellement heureux, il y a l’amertume d’une mauvaise expérience.

Il ne faut pas croire ces victimes qui sont les chats échaudés du proverbe.

Non, sentimentale et confiante jeunesse, tu n’as pas tout à fait tort d’espérer. Le bonheur existe pour certains élus. Et si l’infortune des autres où leurs sombres prophéties t’enfoncent au cœur l’épine du doute ; si, croyant t’éveiller d’un beau rêve, il te vient quelque matin ce soupçon que la vie n’est peut-être qu’une duperie, et son printemps le piège fleuri engageant l’humanité dans une voie douloureuse, chasse ces vilaines idées. Pratique sans arrière-pensée les trois vertus théologales dont Dieu a fait les fondements de la religion, vertus divines en effet qui entretiennent dans l’âme une impérissable fraîcheur : Aime, espère et crois.

Les élus du bonheur conjugal sont ceux qui possèdent le talisman rare d’un amour véritable. J’ai l’air de dire une vérité de la Palisse, ou tout au moins une chose bien banale, mais c’est le cas de répéter que la