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NOS TRAVERS

manes et m’enlèvera le dangereux honneur d’avoir en cette affaire attaché le grelot. Voici l’écrit dans toute sa franchise britannique (j’allais dire brutale) :

« Il n’y a vraisemblablement pas dans le monde de pays où les bonnes manières soient si peu cultivées parmi les jeunes gens que dans le nôtre. Le ‘noble sauvage’ lui-même a une certaine teinte de courtoisie qui semble manquer totalement, au naturel anglo-saxon. Ce dernier cependant, est susceptible d’un haut degré de raffinement, mais ce phénomène est la caractéristique des objets très durs à polir.

« Sa tendance naturelle est une farouche indépendance qui, réprimée par le frein des convenances sociales, se revêt, comme d’un placage, des apparences de la servilité.

« Si notre race, continue l’écrivain impitoyable, possède la moindre délicatesse native, nous tenons cet héritage du côté celtique de notre ascendance. »

(Voilà qui est particulièrement flatteur pour nous, puisque ces Celtes dont l’auteur se réclame sont nos propres ancêtres.)

« Mais, ajoute-t-il, il y a une tendance de la démocratie vers la rusticité. Le Parisien d’aujourd’hui est un homme déjà beaucoup moins policé que son père. Il est même en arrière du Canadien-Français qui a conservé plus fidèlement la tradition des bonnes manières régnant en France à l’époque de la fondation de cette colonie, et à qui l’on enseigne encore la politesse quoique avec moins de succès qu’auparavant, alors qu’un mauvais contact n’avait pas encore perverti ses façons courtoises. »

« Quoi qu’il en soit, conclut-il, le penchant de la génération nouvelle à la négligence pour ce qui s’agit de l’honnêteté et de la correction du langage ne rencontre que peu ou point d’obstacle. Et la jeunesse affiche des airs prétentieux qui ont l’air de dire à tous ceux qu’elle aborde : Monsieur, je vaux autant que vous. »