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NOS TRAVERS

Un secret orgueil les retient. Ils ont peur que cette dame, que cette jeune fille croie que… qu’elle aille se figurer… je ne sais quoi, enfin. Et ils diffèrent, ils hésitent longtemps, espérant que le hasard leur fournira une occasion toute naturelle qui ne compromettra pas leur dignité…

Mais non ; voyons, mes jeunes amis ! vous empiétez là sur le domaine féminin. Cette fierté n’est pas votre fait. Dans un société civilisée, nulle femme du monde ne s’étonne d’une formalité simplement honnête du commerce mondain. En faisant quelques frais pour vos co-invitées, il est entendu que vous vous rendez surtout agréable aux maîtres de la maison qui, nécessairement, comptent sur le concours de chacun pour l’amusement général et ne convient pas des gens du même monde pour qu’ils se regardent entre eux comme des chiens de faïence.

Les étrangers qui assistent à quelques-unes de nos réunions mondaines où les dames sont rangées le long du mur et les messieurs réunis en groupes sombres — dans l’antichambre ou au milieu du salon — se racontant à demi-voix, nez à nez, des choses peut-être intéressantes, mais qui leur donnent un air fort ennuyeux ; ces étrangers, s’ils ne viennent pas de chez les Esquimaux, doivent constater avec une certaine surprise des façons témoignant d’une grande ignorance du savoir-vivre.

Les personnes qui reçoivent peuvent beaucoup pour réconcilier sous leur toit les deux éléments divorcés. Ceux qui entendent bien leur rôle s’appliquent sans relâche à les remêler, afin de maintenir pour le plaisir des yeux, aussi bien que pour l’entrain des conversations, le contraste des habits noirs avec les fraîches toilettes des femmes.

Le plus grand obstacle à cette harmonie désirable, c’est l’établissement d’une tabagie dans une chambre de la maison.