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Page:Marchand - Nos travers, 1901.djvu/172

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NOS TRAVERS

mortelle hôtesse de notre corps, dans une retraite si lointaine et si obscure que sa voix n’arrive pas à se faire entendre. Et nous croyons avoir donné à la royale captive une ration suffisante après avoir accompli quelques-uns des rites faciles et strictement obligatoires du culte — pratiques auxquelles, d’ailleurs, l’esprit ne prend aucune part.

Après cela, la vie morale et la vie pratique ne sont pas pour nous deux cercles concentriques. Nulle communication, nul rapport n’existent entre notre prétendue croyance et notre conduite. Corrigeant l’Évangile dont on continue de se dire les disciples, on entreprend de servir deux maîtres. Il y a une morale « de famille » et une morale pour les affaires. On va à la messe et on pratique l’usure ; on dit son chapelet et on se prête aux abus de confiance qu’autorise le mot de « politique. » On fait ses Pâques, sans cesser pour cela d’encourager la subornation et le parjure dans les luttes électorales ou judiciaires. Notre religion n’est plus alors qu’une sorte de bienséance ; affaire « d’origine ou d’étiquette. »

Encore une fois, où est donc la délicatesse de conscience qu’a pour effet de développer la discipline catholique ?

Jules Lemaître, au cours d’une de ses critiques de théâtre, jette un cri d’alarme à ses concitoyens : (À la stupeur d’un grand nombre, on constatera que le sévère jugement s’applique aussi bien à une notable partie de notre peuple qu’à celui de France, si souvent taxé d’impiété) :

« Dans cette vie que nous menons, où l’on n’a, au fond, pour objectif, que l’argent, la vanité et le plaisir, et où, d’ailleurs, les principes manquent au nom desquels on se jugerait, la notion du bien et du mal finit par s’abolir en nous, et presque aucun de nous ne sait plus ce qu’il vaut moralement, ni ne se doute combien il vaut peu. »

Assurément nous n’avons pas le monopole de l’im-