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LA POUTRE

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À en croire certaines gens le genre humain serait divisé en deux classes : celle qui parle… trop, et l’autre ne se départant jamais d’une réserve de langage admirable. Cette prétention soigneusement entretenue par ses inventeurs, appartenant naturellement à la seconde catégorie, s’est facilement accréditée.

Avec cela que cette classe éminemment circonspecte une fois sur le terrain des privilèges (on n’en saurait jamais trop prendre) s’est arrogé le droit exclusif de la parole.

Ainsi, les femmes parlent trop. Voilà ce qu’une coterie intéressée décide tout d’abord avec plus ou moins de délicatesse dans la forme. En second lieu, elles n’ont pas le droit de dire un mot. Donc — conclusion sophistique de ce commode sillogisme — les hommes seuls peuvent élever la voix.

Là dessus, ils s’instituent les organes autorisés de la pensée humaine. Ils légifèrent. Ils canonisent leurs propres opinions.

« L’homme, dit Alexandre Dumas fils, s’est proclamé l’être supérieur, le roi de la création tout simplement, parce qu’il est le seul des êtres animés qui ait l’usage de la parole. Il en a profité tout de suite pour se mettre au-dessus des autres sans que les autres puissent le contredire. »

L’illustre écrivain n’a pas écrit ces lignes pour la défense de la femme, à laquelle pourtant on refuse aussi la parole et que l’on met également dans l’impossibilité de contredire. C’est tout simplement dans la préface