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LA POUTRE

d’un livre intitulé « Les Chiens et les Chats » qu’il place cette grande vérité au bénéfice des animaux.

Il ne s’agit pas ici d’une revendication. La femme qui vote, je veux bien pour aujourd’hui, messieurs, en sourire avec vous ; pour celle qui pérore en public, je vous pardonne votre moue de pudeur alarmée ; je vous passe même l’épithète méprisante de bas-bleu pour celle qui écrit.

Il me semble cependant qu’il serait curieux de faire un petit examen de l’emploi abusif que nos prétendus modèles font de leur privilège de parler seuls. J’aimerais à démontrer aux partisans du silence absolu de la femme, qu’ils perdent tous les jours de belles occasions de se taire et que leur victime pourrait au besoin leur en enseigner l’art précieux.

Je revenais l’autre soir par les rues silencieuses de la ville. Au milieu du calme de la nuit commençante, j’entendis tout-à-coup un bruit épouvantable, des cris de bêtes féroces proférés par un groupe d’hommes qui s’avançaient, armés de bâtons, frappant à grands coup sur les poteaux des réverbères. J’en eus un grand saisissement, mais, il n’y avait pas de quoi. Ces énergumènes, poussant des rugissements sauvages aux seuils des demeures endormies, ce n’étaient… que quelques étudiants de bonne famille revenant de leurs cours !

Les femmes aiment à s’associer dans la mesure de leur pouvoir au mouvement intellectuel. Les questions de science et d’art ne les trouvent pas indifférentes, aussi les rencontre-t-on partout où ces questions s’agitent et se débattent.

Eh bien, là même, à ces solennités scientifiques, à ces fêtes littéraires auxquelles on les convie respectueusement, on trouve spirituel de rééditer des plaisanteries usées sur la loquacité de la femme.

Un grave philosophe, discutant les problèmes les plus abstraits, croit du dernier bon goût de faire, pour di-