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HÉRITAGES ROYAUX

dre au sérieux et de subir comme tous les autres solennels bafoués, son sort de martyr.

Mais voilà enfin un de ses légataires qui, plus avisé, se moque de l’héritage fictif et se refuse à imiter plus longtemps le procédé des tous petits enfants qui dans leurs jeux tiennent imaginativement en leur main fermée des choses merveilleuses dont ils parlent et disposent gravement, les plaçant sur les meubles ou les troquant avec un camarade contre des objets également chimériques.

Le prince Louis Bonaparte, — fils d’un homme aux principes démocratiques, — renonce à la mirifique succession.

De fait, quand on n’a pas l’esprit extraordinairement optimiste, une vie d’ostracisé avec la compensation d’un mirage aussi brillant que lointain doit paraître un attrape-sot par trop onéreux.

Le prince Louis a les mêmes principes que son père avec, en plus, le courage de son opinion.

Conséquemment il abdique. On comprend que la chose a pour lui une moins grande importance qu’elle n’en eût pour son grand oncle à Fontainebleau et doit lui coûter moins. Cependant certains esprits faibles resteront ébahis devant cet acte et le trouveront héroïque, sinon criminel.

Il y a plus fort que cela pourtant et les chauds partisans monarchiques n’expliqueront pas autrement que par la folie le fait du vrai cousin d’un réel empereur, héritier éventuel d’un trône tangible qui a jeté aux orties son titre d’archiduc, renoncé à toute chance de régner et s’est fait bonnement commerçant sous le nom de Jean Orth.

Son auguste parent l’empereur d’Autriche avait déjà sévèrement repris celui qu’il appelait avec dédain « l’homme moderne », pour un mot malheureux, une hérésie, un crime de lèse-autocratie dont le prince démocrate s’était rendu coupable.