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Page:Marchand - Nos travers, 1901.djvu/3

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À QUOI BON

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On a bientôt jugé ceux qui philosophent sur les travers de leur temps. Il est entendu que ces bonnes gens ont leurs raisons à eux pour en être dégoûtés :

C’est le pessimiste survivant à sa vogue et faisant la moue du dépit à ses contemporains qui le délaissent ;

Ce sont les incompris, et peut-être aussi les gens qui vieillissent.

Ceux-ci découvrent petit à petit qu’ils deviennent moins indispensables ; que de nouveaux venus distraient l’attention de leurs personnalités. Ils font alors d’amères réflexions sur l’inconséquence du prochain qui se lasse si prématurément de ceux qu’il a estimés.

Ainsi, c’est admis, on ne grogne qu’en autant qu’on n’est pas apprécié ou qu’on vieillit.

L’alternative n’est pas gaie pour moi qui voulais médire un brin de mon siècle…

Eh bien, soit : mes enfants, je radote.

Cet aveu me met à l’aise et m’acquiert le droit de vous dire des vérités.

Je dois vous avouer tout d’abord que je ne vous trouve pas aussi dégénérés que certains Jérémies l’affirment. Vous êtes surtout francs et vous ne dissimulez pas plus vos défauts que vous ne niez vos vertus.

De mon temps on aurait pu presque s’y tromper à première vue.

Le dernier des sots parvenait à cacher son infirmité morale sous un tas de formules courtoises qui le sauvaient des écueils de la conversation.

L’étiquette servait de cuirasse à son insignifiance.