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LE P’TIT COUP

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Parmi les pires ennemis de la femme et du bonheur domestique, le p’tit coup est un des plus redoutables.

Il n’est pas moins despotique que la pipe et a cela de particulier qu’il n’est pas, comme elle, compatible, dans une certaine mesure, avec la paix des familles.

C’est un trouble-fête, un fâcheux ; c’est un mauvais génie, un démon déguisé ; c’est un avilisseur d’intelligences.

J’en suis bien fâchée pour ses bons amis ; mais voilà ce qu’il est.

Sans parler de son rôle brillant dans la confection des ivrognes dont quelques-uns, sans lui et les facilités qu’il offre à leur propension funeste, auraient peut-être heureusement manqué leur vocation, il fait encore sentir sa détestable influence dans mille circonstances de la vie.

Voici, par exemple, un honnête père de famille qui part en tournée le jour de l’an au matin, le cœur allègre dans ses meilleurs habits, pour aller faire ses souhaits aux parents.

Durant la série des visites intimes, c’est une interminable suite de p’tits coups « à la santé, » « à la prospérité, » « au bonheur, » « au mariage, » à mille choses spécieuses, sous maints prétextes qui vous mettent le pauvre homme tout à l’envers, si bien qu’à la fin, il bredouille ses compliments, s’empêtre dans la conversation, ne sait plus s’en aller, oublie qu’on l’attend pour dîner. Quand il part enfin, ses cousins, qui ne le