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Page:Marchand - Nos travers, 1901.djvu/42

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NOS TRAVERS

— au sujet desquelles d’ailleurs, quelque sévère que l’on puisse être, on ne dira jamais tout le mal qu’ils en pensent eux-mêmes — je voudrais bien savoir ce qu’ils trouvent de particulièrement exquis dans ce brouhaha d’une existence indisciplinée.

N’avoir aucun but, aucun intérêt supérieur, ne rien ambitionner que d’user violemment de la vie au lieu d’en user utilement : fumer, boire à satiété, courir à tous les plaisirs avec une ardeur que rien ne lasse, gaspiller son cœur et ses facultés en mille occasions indignes ; arriver à la quarantaine, fourbu, enfin désenchanté, aspirant au calme, jalousant ces benêts de maris qu’on aime et qu’on choie ; endurer solitairement sa goutte avec toutes les autres peines afflictives, suite d’une vie sans règle ; traîner peut-être quelques années sa carcasse hémiplégique et finir dans la compagnie d’une ménagère hargneuse les tristes restes d’une existence vide… Quel sort digne d’envie !

Pour avoir choisi la voie fleurie des plaisirs faciles, pour s’être écartés de celle des devoirs sérieux et des responsabilités, les vieux garçons n’échappent pas à l’inflexible loi des compensations. Car il est constant ; que le bonheur est le prix des efforts énergiques de la volonté.

Les succès et la paix absolue sont aux laborieux. Il est avéré qu’en ce monde, seule la semence du sacrifice donne la récolte des meilleures récompenses et des joies les plus pures.

Cette vérité est manifestement démontrée par la vie paisible qui couronne les rudes combats des chefs de famille pour conquérir péniblement, et pièce à pièce les éléments de ce bonheur stable.

Quelquefois, en vertu de je ne sais quel miséricordieux retour, les traînards du conjungo profitant d’un dernier rayon de jeunesse et reconnaissant tardivement leur erreur au moment de franchir la barrière de l’ir-