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NOS TRAVERS

malheur de posséder une compagne revêche que d’ailleurs, un traitement doux mais ferme a des chances d’amener quelquefois à un armistice. Les lâches seuls fuient le champ de bataille.

D’autres enfin déclarent avec un air persécuté qu’ils ne fréquentent les clubs que parce qu’ils n’ont pas de femme, bonne, sotte ou mauvaise.

Eh mais ! qu’ils se marient !

Et qu’on ne nous enlève plus nos chers papas qu’il fait si bon voir à la veillée, en pantoufles, fumant la pipe patriarchale et lisant à l’ombre d’un vaste abat-jour ; nos pères chéris que la dure nécessité du gagne-pain nous ravit déjà trop.

Qu’on nous laisse nos maris dont la voix sympathique et les conseils optimistes sont un si grand et si nécessaire allégement aux tracas domestiques, à la besogne exténuante de la conduite des enfants, aux devoirs multiples qui se partagent la journée d’une mère consciencieuse.

Car les délaissées pourraient bien un jour, exploitant elles aussi le prétexte : qu’ « il faut qu’une femme se divertisse », s’imaginer de louer de leur côté un local somptueux où des domestiques royalement rétribués n’auraient pour elles que des prévenances et des sourires.

Ce serait une manière de paradis que cette maison où tout marcherait avec un ordre apparent sans leur intervention et où l’on souperait finement dans d’exquises porcelaines sans craindre qu’on les casse après et sans le souci de la propreté des linges qui serviront à les nettoyer. Quelle nouveauté charmante pour les maîtresses de maison qu’une atmosphère de luxe et de fête, au sein de laquelle on pourrait s’adonner à ses plaisirs favoris ; la lecture des livres récents par exemple, ou des journaux du monde entier arrivant tous les jours à la bibliothèque, la satisfaction d’une gourmandise raffinée, ou encore — et pourquoi pas ? — quand on prend