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PATRIOTISME

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Champlain n’avait pas mauvais goût. Je suis bien aise de lui faire ce compliment rétrospectif au moment où l’on inaugure sa statue dans cet adorable Québec qu’il a fondé. On comprend qu’une telle nature à laquelle s’associe le souvenir du vaillant saintongeois ait inspiré les plus belles pages du chef d’œuvre de l’un de nos meilleurs écrivains : « À l’Œuvre et à l’Épreuve, » par Laure Conan.

Il est très beau le noble gentilhomme français qui salue fièrement et d’un geste chevaleresque, le sol dont il se rend maître. Du haut de son socle de pierre il regarde sa ville et tourne le dos à la route de l’océan, à la patrie, au passé. Il y a dans sa pose hardie de l’enthousiasme, et de la tendresse déjà, pour le pays nouveau auquel il se voue corps et âme. Sa silhouette de bronze, cambrée sous l’élégant habit du 17e siècle, se détache avec majesté, avec une exquise harmonie aussi, sur l’azur intense et sur l’immense horizon des montagnes lointaines qu’étoilent aujourd’hui les pointes de vingt clochers.

On est heureux de le voir là, ce père de la colonie, comme si les progrès de son œuvre pouvaient le récompenser encore des dures épreuves du début. On tressaille d’orgueil en entendant à ses pieds, en un jour de fête française, nos hommes d’État le louer dans la belle langue qui fut la sienne et qu’un siècle et demi de domination étrangère n’a ni détruite, ni altérée.

On est fier aussi de voir sur cette Terrasse où passe incessamment le flot cosmopolite des voyageurs, les étrangers apprendre le nom de Champlain et acquérir