Page:Marchand - Nos travers, 1901.djvu/73

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Elles aiment ! Songez-donc… leur conduite échappe à toutes les lois, à tous les raisonnements. Voyons, peuvent-elles être maîtresses de leurs actes, de leurs mouvements, de leur volonté ? Elles aiment !…

Aux conseils, aux menaces elles n’opposent qu’une réponse toujours la même et destinée à justifier le sacrifice en bloc qu’elles font de tout — devoir, amitiés, relations mondaines, bonheur, avenir, réputation peut-être.

« C’est plus fort que moi ! » Telle est la formule de leur aveugle obstination.

« C’est plus fort que moi. » Mais c’est là la règle des êtres inconscients.

C’est la loi des êtres privés d’intelligence, le règne de l’instinct substitué à celui de la morale. Cette parole peut mener très loin, elle peut conduire à tout celles qui l’invoquent, pour s’excuser à leurs propres yeux des déchéances qu’elle autorise. Cette maxime est de plus un blasphème sur les lèvres d’une chrétienne.

Trop fort, dites-vous ? Non ; rien n’est plus puissant que la raison et que la volonté. Ce n’est pas en vain que Dieu a donné par surcroît à la femme cette pudeur naturelle qui voile d’une grâce discrète ses joies comme ses tristesses.

Cela a soutenu en des combats douloureux bien d’autres victimes : toute la multitude de ces épouses délaissées dont l’histoire évoque les douces et graves figures. Sans aller chercher si loin des exemples, ne coudoie-t-on pas chaque jour dans la vie ordinaire, d’humbles femmes sachant souffrir noblement sans accabler de gémissements superflus l’auteur de leurs peines ?

On force quelquefois le respect et l’admiration de celui-là, à défaut de son amour. Pour qui nourrirait des idées de vengeance à l’endroit du cruel, une conduite digne et fière est encore la plus propre à lui donner des regrets sinon des remords cuisants de son abandon.