Page:Marchand - Nos travers, 1901.djvu/88

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pays. L’autre partie, il n’en faut pas parler. Tout gamin de quinze ans qui n’a pas reçu déjà la clef des champs avec celle de la maison paternelle lui permettant de rentrer à toutes les heures de la nuit, est un phénomène.

Dieu sait pourtant combien peu nos filles sont faites pour cette grande indépendance. L’éducation presque virile que reçoivent les Américaines, la connaissance pratique de la vie qu’elles acquièrent de bonne heure, sont au moins une préparation logique à l’usage de leurs privilèges. L’expérience en détruisant chez elles la candide ignorance qui fait le charme angélique des adolescentes, la remplace par un utile bouclier.

Il n’en va pas de même pour nos ingénues. On laisse à ces anges leurs ailes, sans les prémunir contre les éclaboussures.

L’excessive liberté que nos mœurs confèrent à la pensionnaire à peine échappée de son couvent, le jour où elle revêt sa première robe longue est un hochet dangereux entre ses mains, innocentes. Il est impossible qu’elle n’en mésuse pas.

On sait qu’en général dans nos familles, les parents n’éprouvent pas trop de répugnance à laisser partir leur enfant, seule ou avec une amie, pour un voyage quelquefois assez long. Je me trompe. Une opposition instinctive s’élève presque toujours du côté des autorités contre de tels projets. Mais les plaidoiries éloquentes des intéressées, accompagnées des citations de nombreux précédents, la crainte aussi de pousser la sévérité jusqu’à l’injustice, ont vite fait d’étouffer cette vague conscience de leur devoir chez une mère ou un père trop faciles.

Un obscur sentiment de leur responsabilité conduira encore ceux-ci à un suprême acte de prudence. Cette dernière précaution consistera à accompagner son enfant à la gare ou au bateau pour la « confier aux soins du conducteur, » du commandant ou de quelque con-