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LES ÉMANCIPÉES

donnons au mépris de la société et à la honte des parents coupables qui n’ont pas su préserver la pudeur de leurs enfants.

Ce n’est pas, de fait, un excès de candeur qu’on reprochera à ces dernières, tandis qu’au contraire la plénitude de cette qualité constitue précisément le péril des pauvres irresponsables jetées toutes pures, toutes naïves et sans aucune défense dans la fosse aux lions.

Je ne m’arrêterai pas à qualifier le caractère des gentilshommes qui se plaisent à flétrir d’un souffle impur le lis blanc des âmes virginales, comme à faire rougir le front des adolescentes. Je me bornerai à rappeler aux mères endormies dans une commode sécurité que cette engeance existe.

La jeune fille canadienne est un spécimen peut-être unique dans la civilisation moderne. Sa condition sociale offre une bien curieuse anomalie.

Comme à la citoyenne de la république voisine aucune liberté ne lui est refusée, tandis que rien dans son éducation ne justifie une aussi complète émancipation et ne la garantit contre les dangers qu’elle comporte.

Dès leur sortie du couvent nos filles sont considérées comme des petites femmes, maîtresses de leurs actes. Elles vont et viennent à leur gré et aux heures qu’il leur plaît : elles choisissent selon leur fantaisie les amis, les relations qui composeront leur société ; nulle entrave sérieuse n’est mise à leur faculté de correspondre avec qui bon leur semble ; elles achètent elles-mêmes leurs toilettes et s’habillent comme elles l’entendent. C’est leur propre autorité qui décide de faire tel voyage, telle promenade, et, dans leurs affaires de cœur, les parents ne sont favorisés de confidences que s’ils ont su par leur bonne conduite conserver la sympathie de leurs enfants.

Telle est en somme, avec un peu plus ou un peu moins de tolérance, selon les familles, l’esprit qui préside au gouvernement de la jeunesse féminine en ce