Page:Marchand - Nos travers, 1901.djvu/95

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à un âge sérieux, s’insurgent contre cette nécessité de se dévouer, et s’attardent dans l’insouciance heureuse de l’adolescence sont punies de leur frivolité par la dérision et le mépris du monde.

Rien, vous dis-je, n’est inutile dans l’œuvre de Dieu. Il faut se mettre dans l’idée que chacun en particulier, nous sommes un instrument important dans le grand rouage et que nous avons notre mission à remplir.

Le moyen dont nous disposons pour accomplir notre tâche, le précieux outil que la Providence nous prête à cette fin, c’est le Temps.

Le Temps est toute la fortune du pauvre ; pour les désœuvrées, la plus belle des charités serait de donner à ceux qui n’ont pour tout bien que les heures de clarté remplies par un travail fiévreux, quelques-unes des minutes, qu’en enfants prodigues, elles gaspillent sans remords.

Le Temps est le collaborateur indispensable qui aide le genre humain à accomplir des prodiges ; il est la mine précieuse où l’art puise le plus important de ses matériaux pour créer des chefs-d’œuvres — il est pour le savant, pour le philosophe et l’homme de lettres le trésor ménagé avec un soin et une dévotion d’avare.

Si la Providence daignait matérialiser sous nos yeux tout le bien qui aurait pu tenir dans nos instants perdus et les œuvres innombrables que certaine période vide et stérile de notre vie eut produites si nous l’avions voulu, la frayeur et les remords envahiraient notre conscience.

Combien de fois une mère de famille accablée de travail, des enfants dénués de tout, un petit vagabond croupissant dans l’ignorance, un pauvre malade abandonné, un talent maintenu sous le boisseau faute d’un secours intelligent et généreux se sont-ils offerts à notre attention sans que nos mains et notre esprit oisifs aient secoué leur torpeur pour venir en aide à notre semblable infortune ?