Page:Marchand - Nos travers, 1901.djvu/96

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
100
NOS TRAVERS

Il est curieux de constater qu’en ce pays, où le travail et le mérite sont pour ainsi dire les seuls moyens d’arriver à quelque chose, la jeunesse soit aussi indolente et peu cultivée.

C’est au moment précis où les enfants, au sortir des couvents et des collèges dans lesquels ils ont appris les rudiments des principales sciences, pourraient commencer à étudier avec plus de profit, qu’ils se mettent — les garçons, à vivre en rentiers aux dépens des parents, tout en traversant vaille que vaille les phases d’une cléricature menée haut la main — les filles, à traîner les salons, à la recherche ou dans l’attente inavouée d’un mari.

Peu de jeunes filles en général se doutent qu’il y a une autre manière d’attendre et de gagner cet important chaland, que le fastidieux postulat des salons. Qu’on approfondisse un peu le proverbe : « C’est quand nos filles sont mariées qu’on trouve des gendres ».

Pourquoi le gibier se présente-il alors qu’on n’en a plus besoin ? C’est qu’on ne le cherche pas. La vie offre souvent de ces bizarreries. La certitude d’être accueilli avec enthousiasme éteint du coup l’ardeur d’un soupirant.

Voici ce que, pour ma part, je conseillerais à mes filles : ne perdez pas votre temps dans une chasse décevante sinon stérile. Organisez tout de suite votre vie comme si vous n’attendiez que de vous seules votre indépendance et votre bonheur. Faites-vous des occupations sérieuses, adoptez quelqu’étude conforme à votre goût, que ce soit celle de la musique, de la peinture, de l’histoire, des langues étrangères, peu importe pourvu que vous vous y intéressiez ; voyagez si vous le pouvez, procurez-vous surtout des distractions intellectuelles ; adoptez une œuvre de bienfaisance.

Votre détachement à l’endroit des épouseurs, la facilité de s’en passer que vous aurez acquise auront pour effet de vous rendre plus experte, partant plus difficile