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Page:Marco Polo - Le Devisement du monde, 1556.djvu/141

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cer la terre. Car au temps de fertilité & abondance de bledz, l’Empereur en faict faire grand amas & provision, qu’il faict soigneusement garder par trois ou quatre années en ses greniers, affin que s’il en advient disette au pays, il y puisse subvenir, & supplier le deffault par telles provisions. Et lors ilfaict vendre son bled a petit & vil pris, en sorte que le muyd sera vendu des quatre partz moins que si on l’acheptoit d’un autre. Semblablement si quelque peste ou maladie contagieuse est tumbée sur le bestail, il remet pour ceste année son tribut ordinaire, & leur faict vendre & delivrer d’autre bestail. D’avantaige pour obvier a ce que les courriers ou autres passans par la province de Cathay ne s’esgarent ou fourvoient de leur chemin, ce saige & prudent Empereur y à pourveu en ceste maniere : Par les grandz chemins il à fait planter grande quantité d’arbres, bien peu distans & eslongnez l’un de l’autre, & rengez de tel ordre, qu’ilz demonstrent comme au doigt, le vray & droict chemin par lequel il faut aller ou lon pretend. Au reste quant au grand nombre de pauvres, qui sont par luy nourriz toute l’année, & quelles aumosnes il faict ordinairement en pain, bledz & froment on le reputeroit incroyable, si je m’arrestois a le declairer, mais je peuz bien asseurer pour verité, que par chacun jour de l’année il nourrist de pain environ trente mille pauvres, & ne veult souffrir son pain estre denyé a quelque personne que ce soit, au moyen de quoy ses subjectz l’estiment & reputent comme Dieu.