Page:Marco Polo - Le Devisement du monde, 1556.djvu/154

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chemin s’adonne a passer & loger en ceste contrée, les femmes du pays qui ont des filles à marier, Prostitution de filles.les amenent à ces hostes estrangers, aucunesfois vingt, quelques fois trente ou plus, selon le nombre des hostes : lesquelz elles prient affectueusement que chascun d’eulx prenne une de leurs filles, & de coucher avec elles, & en faire a leur plaisir tant qu’ilz delibereront sejourner au pays. A quoy les hostes vaincuz par les prieres de ces honnestes matrones, facilement obtemperent, & choisissent chascun une jeune fille à leur gré, quilz rendent apte & idoine pour estre mariée : & quand ilz s’en veullent aller on ne leur permet jamais d’en emmener aucune, mais fidelement les fault rendre à leurs parens. Bien prendra la fille quelque petit don ou joyau de celuy qui l’aura despucellée pour luy servir d’enseigne & indice à monstrer qu’elle n’est plus vierge. Et celle qui aura esté aymée & violée par plus grand nombre d’amoureux, & qui pourra monstrer à ceulx qui la demandent en mariage plus grand nombre de telz joyaux, sera estimée la plus noble, & en sera plus haultement & honorablement mariée. Et si une fille se veult bravement parer pour se monstrer en compaignie, elle pendra a son col tous les presens & joyaulx que luy ont donnés ses amoureux : & d’autant qu’elle a esté agreable & aymée de plusieurs personnes, d’autant sera jugée de plus grand honneur & louenge. Mais aussi depuis qu’elles sont entrées au lien de mariage, il ne leur est plus permis d’avoir aucune communication ne accointance avec les estrangers, mais