Page:Marco Polo et al. - Deux voyages en Asie au XIIIe siècle, 1888.djvu/120

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plusieurs marchands étrangers y vont trafiquer à cause de la cour, qui y est souvent, et du grand nombre d’ambassadeurs qui y arrivent de toutes parts. L’autre rue s’appelle de Cathayens, où se tiennent tous les artisans. Outre ces deux rues, il y a d’autres grands lieux ou palais, où est la demeure des secrétaires du prince. Là sont douze temples d’idolâtres de diverses nations, et deux mosquées de sarrasins, où ils font profession de la secte de Mahomet, puis une église de chrétiens au bout de la ville, qui est ceinte de murailles faites de terre, où il y a quatre portes. À celle d’Orient l’on vend le millet et autres sortes de grains, qui d’ailleurs sont rares. À la porte d’Occident se vendent les brebis et les chèvres ; à celle du Midi les bœufs et les chariots, et à celle du Nord les chevaux.

Or, suivant toujours la cour, nous y arrivâmes le dimanche avant l’Ascension, et le lendemain nous fûmes appelés devant Bulgay, le principal secrétaire et juge de la cour : à savoir le moine et toute sa suite, nous et tous les autres ambassadeurs et étrangers qui fréquentaient le logis du moine. Chacun fut introduit en particulier, et l’un après l’autre : le moine premièrement, puis nous, qui fûmes exactement interrogés par ce secrétaire, d’où nous venions, pourquoi et à quelle fin, en un mot à quoi nous étions propres et ce que nous désirions d’eux. Cette recherche si curieuse fut faite parce qu’on avait rapporté au Khan qu’environ quatre cents assassins ou meurtriers secrets étaient venus sous divers habits pour le tuer. La veille de l’Ascension nous allâmes par tous les palais du Khan ; je vis que quand il voulait boire on versait du koumis sur ses idoles de feutre.

Mangu-Khan a huit frères, trois du côté de sa mère et cinq du côté de son père. Il avait envoyé l’un de ses frères[1] utérins au pays des Assassins, lui commandant d’exterminer toute cette race de gens-là. Il en a envoyé un autre vers la Perse, où il est entré mainte-

  1. Alau ou Houlagou. — Voy. Marco Polo, liv. I, chap. xxix.