Page:Marco Polo et al. - Deux voyages en Asie au XIIIe siècle, 1888.djvu/124

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manquerait ; mais que s’il faisait autrement, il devait tenir pour assuré que Dieu lui redemanderait compte de tout ce qu’il avait, jusqu’au dernier denier.

À cela un des sarrasins dit : « Y a-t-il personne au monde qui n’aime Dieu ? » Je lui répondis que Dieu disait que quiconque l’aimait gardait ses commandements et qui ne gardait ses commandements ne l’aimait pas. Lors ils me demandèrent si j’avais été au ciel pour savoir quels sont ses commandements. « Non pas, dis-je, mais il les a donnés du ciel aux gens de bien ; et lui-même est descendu du ciel pour les enseigner à tout le monde ; nous avons toutes ses paroles dans les saintes Écritures, et nous reconnaissons par les œuvres des hommes s’ils les gardent ou non. — Mais, me répliquèrent-ils, direz-vous que Mangu-Khan ne garde pas les commandements de Dieu ? » Je répondis que quand leur interprète serait venu, alors en la présence du Khan même, je réciterais, s’il lui plaisait, tous les commandements de Dieu, et il jugerait lui-même s’il les gardait ou non. Ainsi se départirent-ils de moi et rapportèrent au Khan que je disais qu’il était tuinien ou idolâtre et qu’il ne gardait pas les commandements de Dieu.

Le jour suivant il m’envoya son secrétaire, qui me dit de sa part qu’il y avait chez eux des chrétiens, des sarrasins et tuiniens, et que chacun d’eux disait que sa foi était meilleure que celle des autres ; et pour cela il nous commandait de venir tous ensemble devant lui et que chacun mît par écrit ce qu’il était de sa loi, pour voir laquelle était la plus véritable. Je rendis grâces à Dieu de ce qu’il lui avait plu toucher le cœur du Khan et le porter à ce bon dessein, et comme il est écrit que le serviteur de Dieu doit être doux et facile envers un chacun et non contentieux et injurieux, je dis que j’étais tout prêt de rendre compte de ma profession de foi chrétienne à quiconque me la demanderait. Le secrétaire mit tout par écrit, ce qui fut représenté au Khan ; il fut fait alors le même commandement aux nestoriens, à savoir de mettre par