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Page:Marco Polo et al. - Deux voyages en Asie au XIIIe siècle, 1888.djvu/138

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guerre avec nous. Et quand, par la puissance du Dieu éternel, tout le monde sera uni en paix et en joie, alors on verra ce que nous ferons. Et si vous méprisez les commandements de Dieu et ne les voulez pas ouïr ni les croire, en disant que votre pays est bien éloigné, vos montagnes bien hautes et fortes et vos mers bien grandes et profondes, et qu’en cette confiance vous veniez faire la guerre contre nous pour éprouver ce que nous savons faire, celui qui peut rendre les choses difficiles bien aisées, et qui peut approcher ce qui est éloigné, sait bien ce que nous pourrons faire. » Voilà à peu près la substance de leurs lettres[1].

Mon compagnon ayant su qu’il nous fallait retourner par les déserts de Baatu et que l’on nous donnerait un Moal pour guide, s’en alla sans m’en rien dire trouver le secrétaire Bulgay, auquel il fit entendre par signes, du mieux qu’il put, qu’il mourrait assurément s’il lui fallait retourner par ce chemin-là.

Le jour étant venu que nous devions prendre congé, à savoir environ quinze jours après la Saint-Jean, nous fûmes appelés à la cour, et le secrétaire dit à mon compagnon que la volonté de Mangu-Khan était que pour moi je retournasse vers Baatu, mais pour lui, qui se disait être malade, comme il paraissait assez à son visage, s’il voulait retourner avec moi qu’il le fît à la bonne heure, mais que peut-être ne trouverait-il pas par le chemin quelqu’un qui le pourvût de ce qu’il aurait besoin, si par hasard il était contraint de s’arrêter en quelque lieu ; et partant qu’il avisât à demeurer encore s’il voulait ou le jugeait nécessaire, jusqu’à ce qu’il se présentât occasion de quelques ambassadeurs avec qui il s’en pût retourner tout à loisir à petites journées, et par des pays de villes et villages bien habités. À cela mon compagnon répondit qu’il remerciait bien humblement Sa Majesté le Khan, auquel

  1. La superbe fierté de ce message répond assez mal au but que s’était proposé le pieux roi de France en chargeant le pauvre moine Rubruquis d’une mission auprès du puissant monarque oriental.