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ment possédés du démon qu’ils croient que ces gens ainsi tués vont servir le roi défunt en l’autre vie ; mais leur rage ne s’étend pas seulement sur les hommes, mais aussi sur les chevaux, qu’ils égorgent quand ils se trouvent sur leur passage, croyant qu’ils doivent aussi servir au roi mort. Quand le corps du grand khan Mangu, prédécesseur de celui-ci, fut mené sur la montagne d’Altaï pour y être inhumé, les soldats qui le conduisaient ont rapporté avoir tué de cette manière environ vingt mille hommes.

LV
Des mœurs et coutumes les plus générales des Tartares.


C’est une chose permise et honnête parmi eux d’avoir autant de femmes qu’on en peut nourrir et de prendre pour femmes leurs plus proches parentes, excepté les sœurs, jusqu’à la belle-mère, si le père est mort. La première des femmes est la plus honorée. Il est permis d’épouser la veuve de son frère. Les hommes ne reçoivent point de dot de leurs femmes, mais en donnent aux femmes et à leurs mères. Les Tartares ont beaucoup d’enfants à cause de cette pluralité de femmes, et le grand nombre de ces femmes n’est pas à charge au pays, parce qu’elles sont fort laborieuses. Elles sont premièrement fort soigneuses du ménage et de préparer le boire et le manger. Les hommes vont à la chasse et ne s’attachent qu’au dehors et à l’exercice des armes. Les Tartares nourrissent de grands troupeaux de bœufs, de moutons et d’autres bestiaux, et les conduisent dans les lieux où il y a des pâturages ; en été ils vont sur les montagnes, pour y chercher la fraîcheur des bois et des pâturages, et en hiver ils se retirent dans les vallées, où ils trouvent de la nourriture pour leurs bêtes. Ils ont des cabanes faites comme des tentes et couvertes de feutre[1], qu’ils

  1. Marco Polo confirme ici tout ce qu’a dit Rubruquis des mœurs pastorales des Tartares.