Page:Marco Polo et al. - Deux voyages en Asie au XIIIe siècle, 1888.djvu/48

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nous donnèrent une chèvre pour manger et plusieurs bouteilles pleines de lait de vache, avec un peu de koumis, parce qu’il est fort cher et précieux entre eux.

Prenant donc notre chemin vers le nord, il me sembla que nous passions par une des portes d’enfer ; et les garçons qui nous menaient commençaient à nous dérober tout ouvertement, parce qu’ils voyaient que nous n’y prenions pas fort garde, mais reconnaissant notre perte, nous en eûmes un peu plus de soin.

Nous vînmes enfin au bout de cette province, qui est fermée d’un grand fossé qui s’étend d’une mer à l’autre. Il y avait au delà un logement où ceux chez qui nous entrâmes nous semblèrent tous comme des ladres, tant ils étaient hideux ; c’étaient tous pauvres et misérables gens qu’on y avait mis pour recevoir le tribut de ceux qui venaient chercher du sel de ces salines dont nous avons parlé. De là ils disaient que nous avions à cheminer quinze journées entières sans trouver personne. Nous bûmes avec eux du koumis, et nous leur donnâmes un panier plein de fruits et du biscuit. Ils nous donnèrent huit bœufs, une chèvre et quelques bouteilles pleines de lait de vache, pour un si grand chemin. Ainsi ayant changé de bœufs, nous nous mîmes en chemin, et en dix jours nous arrivâmes en un autre logement, et ne trouvâmes point d’eau en tout ce chemin, sinon en quelques fosses creusées en des lieux bas, et deux petits ruisseaux seulement que nous rencontrâmes. Nous cheminions toujours droit à l’orient, depuis que nous fûmes une fois sortis du pays de Gazarie, ayant la mer au midi et de grands déserts au nord, qui durent quelquefois plus de vingt journées d’étendue, et où on ne trouve que des forêts, des montagnes, avec des pierres. L’herbe y est très bonne pour les pâturages. C’était là que vivaient les Comans et qu’ils tenaient leurs troupeaux : ils s’appelaient Capchat, et selon les Allemands Valans, et leur pays Valanie ; Isidore l’appelle Alanie, depuis le Tanaïs jusqu’aux Méotides et le Danube. Tout ce pays en sa longueur, depuis le Danube jusqu’au Tanaïs, qui sépare