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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/110

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sur trois jambes. L’ortie, les mauves, la folle avoine, avaient recouvert l’aire de la place et rempli les acéquias disposées en croix, qui durent autrefois rouler une eau claire et limpide, mais dont les sources étaient aujourd’hui taries et les canaux à demi comblés par la poussière et le gravier. Des porcs, des poules, des canards, seuls hôtes de la localité, étaient voluptueusement couchés au milieu des herbes. Au bruit de mes pas, ils levèrent la tête, et, me reconnaissant sans doute pour un étranger, s’enfuirent avec toutes les démonstrations d’un violent effroi. Je traversai la place, où la végétation me montait jusqu’aux genoux, et pris au hasard une des ruelles qui y aboutissent, laquelle me conduisit, après maints circuits assez périlleux, au pied des serros, qui forment un soubassement au pueblo ; là, le décor changea brusquement. Au lieu du village aux murs calcinés par un soleil torride, j’eus sous les veux une véritable forêt de poiriers, dont les arbres, en se rejoignant par leur cime, formaient un dôme de verdure sous lequel merles et friquets s’égosillaient à qui mieux mieux. Quelques rayons, pareils à des traits d’or, glissaient à travers la futaie et venaient dessiner sur le sol de grands losanges lumineux. Cette forêt ou ce verger, qui fuyait devant moi dans un lointain bleuâtre, figurait à ma gauche une suite d’assises disposées en recul, comme les gradins d’un amphithéâtre, et re-