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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/112

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Comme j’attirais à moi une branche chargée de ces fruits dont la teinte blonde dénotait une maturité parfaite, une voix, qui retentit à mon oreille comme le clairon de l’archange, me cria dans un espagnol très-compréhensible :

« Hé ! dites donc, là-bas, on achète les poires avant de les manger. »

Cette apostrophe m’étourdit de telle sorte, que je ne sus trop d’abord si je devais rendre ou avaler la moitié de poire que j’avais encore entre les dents, mais une minute de réflexion me suffit pour comprendre qu’une plus longue hésitation serait ridicule, et que je n’avais autre chose à faire qu’à délier les cordons de ma bourse en montrant mon visage au propriétaire au lieu de lui tourner le dos, manœuvre que j’exécutai sur-le-champ.

J’aperçus alors, à travers les arbres de droite, une longue figure vêtue de deuil qui enjambait les plates-bandes dans l’intention évidente de se rapprocher de moi ; par politesse, je fis trois pas au-devant d’elle, après avoir préalablement débarrassé mes poches de leur contenu.

« Seriez-vous, monsieur, le propriétaire de céans ? demandai-je à cet inconnu tout de noir habillé, quand


    variété dite capron ou ananas, qu’on croit originaire du Chili. L’unique variété de poires qu’on y trouve est la mouille-bouche, importée au commencement du dix-septième siècle par les premiers colons espagnols.