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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/15

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charges d’artillerie. On eût dit que deux armées se canonnaient autour de nous. Parfois une détonation plus brusque éclatait au milieu du vacarme infernal, une lueur plus vive éclairait l’atmosphère et l’imprégnait d’une odeur de soufre ; c’était la foudre qui, lasse de gronder, s’abattait sur quelque pic voisin, attirée par une veine métallique comme par un paratonnerre.

L’effroyable tempête dura près d’une demi-heure ; puis, les nuages noirs qui recélaient la foudre se dirigèrent vers le sud et la neige se mit à tomber par larges flocons. En un instant, le tracé de la route disparut sous une couche uniforme, et nous n’eûmes pour nous guider que les sinuosités de la Cordillère et la configuration de ses divers sommets.

La rancheria de Colca était close et muette quand nous l’atteignîmes ; pas un Indien sur le seuil des cabanes, pas un filet de fumée au-dessus des toits. Force nous fut de passer outre et de pousser jusqu’à Rumihuasi, où nous n’arrivâmes qu’à dix heures du soir, transis, affamés, les yeux à demi brûlés par la réverbération de la neige, qui éclairait l’obscurité d’un vague reflet d’aurore boréale.

Quatre Indiens, accroupis autour d’un feu de bosta, étaient en train de jouer aux osselets quand nous entrâmes dans la hutte. Leur premier soin fut de se retirer précipitamment au fond de la pièce, afin de nous laisser paisibles possesseurs du foyer,