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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/154

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chaises, mais en les disposant de façon à pouvoir prendre un signalement complet de mon individu.

Cette tactique, qui ne m’échappa point, me suggéra, sur-le-champ, l’idée d’en user de même à l’égard de ces dames, et, tout en échangeant avec elles quelques phrases de circonstance sur la Noche buena et l’affluence de gens qu’elle avait attirés à Tiabaya, je les examinai avec assez d’attention pour pouvoir affirmer, au bout d’un quart d’heure, que la plus jeune des trois sœurs devait toucher à la quarantaine, la cadette, compter quelques printemps de plus et l’aînée être en avance de dix mois au moins sur le demi-siècle. Certaine coquetterie dans leurs ajustements, la couleur tendre de leur robe et l’échancrure du corsage, les œillets aux vives nuances placés dans leurs cheveux et les accroche-cœurs significatifs que ceux-ci dessinaient sur les tempes, indiquaient chez elles une intention bien arrêtée de lutter jusqu’au bout contre l’envahissement des années, envahissement dont elles essayaient déjà de déguiser les traces à l’aide de ces artifices secrets qu’employait autrefois la reine Jézabel, s’il faut en croire l’indiscrète révélation de sa fille Athalie.

Cependant la conversation, entrecoupée d’interjections polies et de fréquents silences, selon l’usage du pays, commençait à traîner en longueur, et l’on