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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/162

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peut sembler inconvenante au premier abord, mais dont je n’eus qu’à me féliciter.

Ma méditation à cloche-pied durait déjà depuis une heure, quand un carillon de cloches qui monta dans l’air comme une fusée et fut salué par un tonnerre d’acclamations vint y mettre un terme ; en un clin d’œil, les chicherias et les ruelles furent abandonnées. Danseurs, musiciens, ivrognes et badauds se précipitaient tête baissée dans la place, en exerçant sur la foule qui s’y trouvait à l’étroit, une pression telle, que les femmes assises ou couchées sur les degrés, furent subitement soulevées, perdirent pied et allèrent rouler à dix pas de là. Heureusement j’avais pris à temps mes mesures, et, monté sur le piédestal d’une colonne dont j’entourais le fût de mes deux bras, je vis passer au-dessous de moi ce tourbillon de chevelures dénouées, de jupons froissés et de lanternes brisées, épaves que la vague humaine alla rejeter au seuil de l’église, au milieu d’un concert de malédictions, de cris aigus et d’éclats de rire.

À ce moment, l’horloge fit entendre une note grêle : minuit sonnait. Les portes de l’église s’ouvrirent à deux battants, laissant voir l’intérieur de la nef, éclairé par des milliers de cierges. Un frisson courut dans la multitude, et, comme si toutes les gorges se fussent contractées, les cris, de stridents qu’ils étaient, se changèrent en aboiements,