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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/170

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soin, en arrivant, fut de me mettre au lit ; mais, malgré le besoin de sommeil que je ressentais, malgré l’élasticité bien avérée de ma couchette, j’avais les nerfs si prodigieusement agacés par la rumeur de la fête et surtout la combinaison mélodique de l’orgue de Barbarie, des cafetières et des crecelles, qu’il ne me fut pas possible de fermer l’œil. J’employai les heures à méditer sur la noche buena, qui, par antiphrase, m’occasionna une courbature et une migraine qui durèrent jusqu’au lendemain.

À quinze jours de là, le village de Tiabaya était de nouveau le théâtre d’une fête splendide, où danseurs, buveurs et frituriers se réunissaient au son des flûtes, des guitares et des tambours, au carillon des cloches, aux détonations d’un feu d’artifice, tiré, selon la coutume, en plein soleil. Comme à l’occasion de la nuit sainte, le curé revêtait ses plus beaux ornements, les chantres s’enveloppaient de leurs peignoirs à collerettes, et José Tamal, assisté de ses instrumentistes, exécutait les airs les plus belliqueux de son répertoire. Mais ce déploiement de pompe religieuse et de luxe mondain, qui mettait en émoi toute la population de la vallée et arrachait les Indiens des deux sexes à leur travail du jour, n’était plus cette fois un hommage rendu au Créateur, mais un tribut d’honneur payé à la créature. Doña Cypriana Latore de Vivanco, dans tout l’éclat de sa beauté, dans tout l’enivrement de son triom-