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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/203

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de volonté ayant épuisé ses forces, elle ne bougea plus.

« Aura-t-elle longtemps à souffrir ? demandai-je au mozo.

— Hum ! fit celui-ci, cela dépend des circonstances ; si les gallinazos sont occupés ailleurs, elle peut vivre ainsi jusqu’à demain, car la fraîcheur de la nuit lui rendra quelque force ; mais qu’un de ces oiseaux vienne à la découvrir, il appellera aussitôt ses camarades, et le compte de la bête sera bientôt fait. Eh ! tenez, s’écria le mozo en levant les veux, en voilà déjà deux ou trois qui l’ont aperçue et qui planent là-haut au-dessus d’elle. Je gage qu’avant cinq minutes, si nous leur laissons le champ libre, la mule en aura plus d’une douzaine à ses trousses. »

Nous nous éloignâmes de quelques pas, et le délai fixé par le mozo n’était pas expiré, qu’une troupe de sarcoramphes entourait l’animal, pendant que l’un de ces oiseaux, plus hardi ou plus affamé que ses compagnons, se perchait sur la tête de la victime et commençait à lui dévorer les yeux. Surexcitée par la douleur, la mule fit quelques pas en trébuchant ; mais, accablée par le nombre toujours croissant des oiseaux de proie qui s’étaient enfin abattus sur elle et dont chaque morsure arrachait à son cuir une rouge lanière, elle roula sur le sable et ne tarda pas à expirer.